« J'ai décidé de sortir faire la fête, de bien m'habiller. C'était la pire erreur de ma vie » : Emily Spanton a raconté mercredi à la justice française cette nuit d'avril 2014, où elle dit avoir été violée par deux policiers dans les locaux de la police judiciaire de Paris.

La Canadienne de 39 ans était en vacances à Paris avec un ami avec lequel elle partageait une chambre d'hôtel. Le 22 avril 2014, son ami ayant décidé de sortir de son côté, elle choisissait d'en faire autant. Direction : un pub irlandais sur les quais de Seine qu'elle connaissait déjà.

Emily Spanton, longue silhouette et cheveux courts, a mis un short, des collants résille et opté pour ses chaussures préférées, des talons hauts, a-t-elle décrit en réponse à une question de l'avocate d'un accusé.  

Dans le pub, se trouvaient des policiers du « 36 Quai des Orfèvres », célèbres locaux de la police parisienne et, l'alcool aidant, le contact s'est noué rapidement. « C'était jovial », l'ambiance était au flirt.  

« Je l'ai trouvée attirante », déclare Nicolas R. Son coaccusé Antoine Q. parle lui d'une « femme aguichante ».

Des témoins et des policiers ont parlé de baisers échangés. « Beaucoup de personnes ont essayé de m'embrasser », dit la Canadienne, qui parle de policiers « insistants ». « J'ai tourné la tête » pour éviter les baisers. « Je pensais que c'était la bise, comme on la fait ici ».

« On s'est embrassés, caressés au pub », assure Nicolas R., qui reconnaît l'avoir draguée pratiquement dès son arrivée. Alors qu'il l'accompagnait acheter des cigarettes, Antoine Q. affirme qu'elle lui a fait « un smack », puis qu'elle l'a embrassé « avec la langue ». « C'était agréable », reconnaît le policier, qui lui a demandé son numéro de téléphone. Emily Spanton l'accuse de l'avoir « appuyée contre un mur pour m'embrasser » et lui a donné un faux numéro.

Après minuit, Emily Spanton et deux policiers, les accusés Nicolas R. et Antoine Q. se sont rendus au « 36 ».

À qui revient l'initiative ? Pour Nicolas R., c'est d'abord elle qui a demandé une visite. Mais pour la Canadienne, les policiers ont proposé de lui faire visiter les locaux de la police judiciaire, où ils travaillaient, en lui expliquant qu'il s'agissait d'un lieu célèbre où des films ont été tournés.

« Fermer ce chapitre »

« J'étais ivre, je savais que je n'étais pas en mesure de retrouver mon hôtel. Je me suis dit qu'au moins, dans un commissariat, je ne pourrais pas boire à nouveau et que je rentrerais une fois sobre », dit-elle à la cour. « Je me suis dit que j'y serais en sécurité ».

Elle pensait qu'il y aurait beaucoup de monde dans ce qu'elle appelle un « commissariat ». Mais le « 36 », quand elle y est arrivée à 0 h 40, était quasiment vide. Elle a marché en titubant, grimpé les escaliers jusqu'au bureau 461.

« Tout se passait bien, je regardais des photos. Les policiers m'ont servi un Scotch. Je n'en avais pas vraiment envie, mais j'ai accepté de boire une gorgée par politesse », se souvient-elle, la voix étranglée par les sanglots. Si tout le monde flirtait ce soir-là au pub, elle n'avait pas l'intention d'aller plus loin, a-t-elle répété.

Les accusés l'auraient forcée à boire son verre, puis elle se serait retrouvée à genoux. Fellations et pénétrations vaginales se seraient succédé.

« Pour moi, il y avait trois agresseurs », a-t-elle dit à la cour. Parmi eux, se trouvent selon elle les deux accusés, dont elle a confondu les noms à l'audience.  

Ceux-ci reconnaissent une fellation consentie pour l'un et des caresses sexuelles consenties pour l'autre, mais ils nient tout viol. Ces policiers, qui comparaissent libres, encourent 20 ans de réclusion.

Près de cinq ans après les faits, Emily Spanton dit ne plus avoir de vie sexuelle. Elle ne travaille plus, vit chez ses parents, sort peu.  

« Je veux affronter publiquement ces hommes. Je veux qu'ils sachent que ça a eu un impact dans ma vie. Je veux pouvoir fermer ce chapitre et aller de l'avant », a-t-elle déclaré.

L'audience de jeudi sera consacrée aux analyses ADN.