(À bord de l'avion papal) Le pape François a reconnu mardi l’existence d’un scandale de corruption au sein du Vatican, tout en se félicitant du bon fonctionnement des mécanismes d’alertes internes nés de réformes.

Contre toute attente, le pape est entré dans le vif d’un «scandale» qui a conduit début octobre à des perquisitions et à la suspension provisoire de cinq suspects, dont le numéro deux de l’autorité anti-blanchiment (AIF) et un prélat de la Secrétairerie d’État, le gouvernement du Vatican.

L’enquête menée par la justice vaticane étudie le circuit opaque d’acquisition d’un immeuble de prestige en plein cœur de Londres grâce aux dons faits à l’Église, pour traquer de possibles actions de «corruption».

«On a fait des choses qui n’étaient pas propres» et «ce n’est pas bien que cela arrive au Vatican», a admis le souverain pontife, au cours d’une conférence de presse dans l’avion le ramenant du Japon.

«C’est la première fois qu’au Vatican, une chose est découverte de l’intérieur et non de l’extérieur. C’est arrivé si souvent de l’extérieur, avec beaucoup de honte», a-t-il noté.

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Le pape a discuté avec les médias à bord de son avion mardi, de retour d'un déplacement en Thaïlande et au Japon.

«Cela a été mis au jour grâce aux mécanismes internes qui ont commencé à fonctionner et que le pape Benoît XVI avait commencé à mettre en place», s’est félicité le cardinal argentin Jorge Bergoglio, choisi en 2013 pour poursuivre des réformes de transparence des finances vaticanes.

L’affaire, dévoilée par la presse italienne, avait jusqu’alors été commentée du bout des lèvres par le Vatican.  

«Je rends grâce à Dieu parce que le système de contrôle du Vatican fonctionne bien, a-t-il insisté. Et pour appuyer son propos, le pape a décrit la genèse de la dénonciation.

«C’est le réviseur des comptes internes qui a dit : “Ici, il y a quelque chose de mauvais”», a raconté le souverain pontife. À ce contrôleur qui lui a livré des noms de suspects, le pape a recommandé de saisir le procureur.

«De cela j’ai été content, parce qu’on voit que l’administration vaticane a maintenant les ressources pour éclaircir les mauvaises choses», a-t-il confié.  

Le procureur du Vatican tombé sur des éléments «obscurs» lui a ensuite demandé l’autorisation de procéder à des perquisitions dans cinq bureaux. «À ce jour, même si la présomption d’innocence demeure, les capitaux ne sont plus administrés par eux», a stipulé François.  

Quant aux cinq personnes soupçonnées de corruption, elles seront entendues d’ici un mois.

Le pape a laissé entendre que l’acquisition de l’immeuble londonien, en cours d’étude, n’était pas forcément irrégulière.

Investissements moraux

Et il a expliqué qu’il n’y avait rien de répréhensible à faire fructifier les dons des fidèles à travers de bons investissements immobiliers.  

Les dons abondent au Denier de Saint-Pierre, qui alimente ensuite des œuvres de charité et le fonctionnement du Saint-Siège.

«Les sommes du Denier de Saint-Pierre : qu’en faire? Je les mets au coffre? Non, ce serait une mauvaise administration. Je cherche à faire un investissement» pour maintenir ou accroître la collecte annuelle, a décrit celui qui pourfend régulièrement la spéculation financière.  

Il a noté que les investissements devaient bien sûr être moraux : «Investir le Denier de Saint-Pierre dans une usine d’armement, ça ne va pas!». Mais aussi prudents et diversifiés, ce qu’on appelle en Argentine des investissements «de veuve», a-t-il dit.

AP

René Brülhart

Le scandale a notamment conduit au départ du président de l’autorité anti-blanchiment du Vatican, le Suisse René Brülhart, juste avant le voyage du pape en Asie. Le responsable avait défendu son numéro deux, inscrit dans la liste des suspects.  

Il semblerait que l’AIF «n’ait pas contrôlé les délits des autres», a glissé le pape, qui va annoncer le nom du nouveau président dans les prochaines jours, «un magistrat de très haut niveau juridique et économique».