La campagne officielle pour le vote en faveur du Brexit, Vote Leave, a reçu une amende pour avoir enfreint le code électoral, a annoncé mardi la Commission électorale britannique, suscitant des interrogations d'europhiles quant à la « validité » du référendum de 2016.

La Commission a « mené une enquête approfondie » sur les campagnes menées par Vote Leave, soutenue par des figures du parti conservateur comme l'ex-ministre des Affaires étrangères Boris Johnson et le ministre de l'Environnement Michael Gove, et par BeLeave, un plus petit groupe militant également pour le Brexit lors du référendum sur le maintien dans l'UE en juin 2016.

« Nous avons trouvé des preuves substantielles que les deux groupes travaillaient à un plan commun, ne déclaraient pas leur travail commun et ne respectaient pas les limites de dépenses (de campagne) légales », a indiqué la Commission.

Elle rend ses conclusions quelques mois après les accusations du lanceur d'alerte Christopher Wylie, selon lesquelles la société Cambridge Analytica, accusée d'avoir utilisé à des fins politiques et à leur insu les données de millions d'utilisateurs de Facebook, avait joué un « rôle crucial » dans le vote en faveur du Brexit.

Christopher Wylie avait affirmé qu'Aggregate IQ (AIQ), une entreprise canadienne liée à Cambridge Analytica, avait travaillé avec cette dernière afin d'aider la campagne en faveur de la sortie de l'UE « Leave.EU » à contourner son plafond de dépenses. Dans un entretien à plusieurs journaux européens, M. Wylie avait déclaré que « sans Aggregate IQ, le camp du "Leave" n'aurait pas pu gagner le référendum du 23 juin 2016, qui s'est joué à moins de 2% des votes ».

Les Britanniques avaient voté à 52% pour sortir de l'UE.

Sur son site internet, Aggregate IQ dément avoir fait partie de Cambridge Analytica ou de sa société mère SCL, avoir employé Christopher Wylie et avoir eu accès à des données Facebook obtenues de manière irrégulière.

Résultat suspect

Pour les partisans du maintien dans l'UE, les conclusions de la Commission ont jeté le doute sur la valeur du résultat issu du référendum et renforcé la nécessité d'en organiser un second.

« Le résultat serré du référendum a l'air plus suspect que jamais », a tweeté le député travailliste et pro-européen David Lammy. « La question de sa validité se pose désormais ».

À la Chambre des Communes, le député travailliste Chuka Umunna, pro-UE, a interrogé le gouvernement sur l'impact des ces irrégularités sur le résultat du référendum.

Selon Downing Street, le référendum était un « exercice démocratique légitime, lors duquel le public a donné son avis ».

Le groupe BeLeave, fondé par l'étudiant en mode Darren Grimes, a dépensé plus de 675 000 livres (761 000 euros) dans Aggregate IQ, spécialisée dans la publicité politique en ligne, « dans le cadre d'un plan commun avec Vote Leave », selon la Commission.

« Ces dépenses auraient dû être déclarées par Vote Leave », affirme-t-elle, calculant que le groupe a dépassé le plafond de dépenses de presque 500 000 livres (565 000 euros).

Vote Leave devra payer 61 000 livres (69 000 euros) pour plusieurs infractions au code électoral, et le fondateur du groupe BeLeave, Darren Grimes, 20 000 livres, le maximum possible pour un particulier. La Commission a également alerté la police.

Un porte-parole de Vote Leave a riposté en dénonçant « un certain nombre de fausses accusations et d'affirmations incorrectes ». Il a regretté que les enquêteurs aient écouté de « soi-disant lanceurs d'alertes » et « n'ait interviewé personne de Vote Leave ».

« Nous étudions les options possibles mais sommes confiants que ces conclusions seront rejetées », a-t-il ajouté.

Mais selon la Commission, Vote Leave a « refusé de coopérer », « a rejeté nos demandes d'entretien avec un représentant et nous a forcés à utiliser nos pouvoirs légaux pour le contraindre à fournir des preuves ».

« Néanmoins, nous avons trouvé des preuves claires et importantes », ajoute cette instance.

De son côté, Darren Grimes s'est dit « choqué » et « déçu » par la décision de la Commission. « L'amende est totalement disproportionnée et injustifiée », a-t-il réagi sur Twitter.

En mai, la Commission électorale avait sanctionné un autre mouvement pro-Brexit, Leave.EU, qui avait reçu une amende de 70 000 livres (79 000 euros) pour de multiples irrégularités dans le financement de sa campagne.

Tony Blair réclame un second vote

« C'est un bazar total » : l'ancien Premier ministre britannique Tony Blair ne mâche pas ses mots lorsqu'il détaille à l'AFP ce qu'il pense de la gestion du Brexit par le gouvernement.

Chef du gouvernement de 1997 à 2007, il compatit avec la première ministre Theresa May, qui cherche à unir son gouvernement autour d'un plan pour quitter l'Union européenne, estimant qu'elle a « le job le moins enviable du monde politique occidental ».

Mais pour l'ancien chef du Parti travailliste, âgé de 65 ans, à l'approche du Brexit Theresa May doit admettre « qu'il n'y a pas d'échappatoire » et doit organiser un second referendum, avec l'option de rester dans l'Union européenne.

« Puisque le Brexit a démarré par un referendum, il ne peut que se terminer par un nouveau vote », dit-il. « Je suis ardemment opposé au Brexit et je crois toujours que cela peut changer », assure-t-il.

Après deux ans de déchirements au sein de son Parti conservateur entre partisans du maintien d'un lien étroit avec l'UE et ceux d'une rupture nette, Theresa May a présenté la semaine dernière son plan sur les futures relations économiques avec l'Union européenne après le Brexit, suscitant l'indignation des tenants d'un « Brexit dur », pour lesquels elle a accordé de trop nombreuses concessions.