La menace terroriste reste à son maximum en France selon les autorités, qui affirment avoir déjoué très en amont un nouveau projet d'attentat contre un site militaire où plusieurs jeunes, dont un ex-soldat radicalisé, échafaudaient d'enlever un gradé pour le décapiter.

Ce scénario, destiné à marquer les esprits en prenant pour modèle les exactions du groupe armé État islamique (EI), n'en était qu'à son ébauche.

Selon des sources concordantes, l'attaque était envisagée fin décembre ou en janvier 2016, près de l'anniversaire des attentats qui ont fait 17 morts à Paris en début d'année. Mais le projet a été tué dans l'oeuf dès lundi par quatre arrestations.

Trois suspects étaient toujours interrogés jeudi matin dans les locaux des services de renseignement près de Paris alors qu'un quatrième, âgé de 16 ans, a été libéré, a-t-on appris de source judiciaire.

Les trois gardés à vue sont très revendicatifs et «se réclament de DAECH (NDLR, acronyme arabe de l'EI)», a indiqué une source proche du dossier. Il s'agit de deux jeunes de 17 et 19 ans et d'un ancien militaire âgé de 23 ans, «réformé de la Marine nationale» selon le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve.

De sources concordantes, les arrestations ont eu lieu lundi à l'aube en région parisienne, près de Marseille (sud) et dans le nord de la France.

Selon leurs déclarations en garde à vue, les suspects projetaient de s'attaquer au «chef du détachement» d'une installation de la Marine près de Collioure, dans la région de Perpignan (sud). L'ex-militaire en cause a pu «nourrir une rancune personnelle» contre lui, a expliqué un proche du dossier.

L'ancien soldat, prénommé Djebril, a été un temps posté sur place. Son contrat s'est achevé en janvier 2014 après plusieurs arrêts maladie. Outre l'installation de la Marine, le complexe militaire de Collioure abrite un site d'entraînement commando des forces spéciales françaises.

L'objectif des suspects était de filmer l'exécution de leur victime pour en diffuser les images sur l'internet.

Présenté par Bernard Cazeneuve comme le «principal instigateur», le jeune de 17 ans avait été signalé aux autorités par sa mère pour ses «velléités de départ en Syrie», et «repéré pour son activisme sur les réseaux sociaux» et ses contacts avec des «djihadistes français aujourd'hui incarcérés».

Les arrestations ont été effectuées à la suite d'une enquête ouverte dès le 23 juin par le parquet antiterroriste de Paris.

«Communication politique»

C'est le président François Hollande qui a révélé l'affaire en déclarant mercredi à Marseille que «des actes terroristes» avaient été déjoués «cette semaine».

Selon le ministre de l'Intérieur, l'enquête n'a établi aucun lien «à ce stade» avec la double explosion criminelle qui a touché mardi un site pétrochimique de la région marseillaise. Mais le gouvernement fait renforcer la sécurité sur tous les sites industriels sensibles.

Le 7 juillet, des explosifs et des détonateurs avaient été dérobés sur un site militaire de stockage, à une trentaine de kilomètres du complexe pétrochimique visé mardi.

Le projet des suspects rappelle la décapitation le 26 juin d'un chef d'entreprise de la région de Lyon, victime d'un de ses employés lui aussi repéré comme adepte de l'islam radical, qui avait ensuite tenté de perpétrer un attentat contre une usine chimique.

«Nous faisons face à une menace terroriste que nous n'avons jamais connue», a répété jeudi le premier ministre Manuel Valls, renchérissant sur la promesse de Bernard Cazeneuve la veille que «rien ne sera relâché pour ce qui relève de la sécurité des Français».

Selon le ministre, 1850 Français ou résidants du pays «sont aujourd'hui impliqués dans des filières djihadistes, dont près de 500 en Syrie ou en Irak».

Depuis les attentats de Paris, 30 000 militaires, policiers et gendarmes sont déployés en France pour assurer la sécurité notamment des lieux de culte, écoles confessionnelles, gares et sites industriels sensibles.

Loin de l'unité nationale du début d'année, l'annonce par l'exécutif socialiste du projet d'attentat déjoué a été critiquée jeudi dans l'opposition de droite par Frédéric Péchenard, un ancien patron de la police devenu haut responsable des Républicains, le parti de l'ex-président Nicolas Sarkozy.

M. Péchenard a dénoncé une «volonté d'appropriation politique» par le pouvoir, «probablement pour masquer un certain nombre d'échecs du gouvernement ou de difficultés dans les domaines du chômage ou économique».

L'influent quotidien Le Monde daté de vendredi évoquait lui aussi une «communication précipitée» des autorités.