Le débat sur l'indépendance catalane a retrouvé sa place au centre des échanges politiques quand le président de la Généralité de Catalogne, Artur Mas, a annoncé hier des élections anticipées qui pourraient prendre des airs d'élections référendaires.

L'exercice, prévu le 27 septembre, devra servir à conduire la Catalogne à se séparer si les indépendantistes l'emportent, a déclaré le président, sans toutefois préciser de quelle façon il compte mener sa région à l'indépendance en cas de victoire.

Artur Mas a annoncé qu'il était parvenu à une entente avec le parti indépendantiste de gauche ERC, avec qui il n'a cependant pu conclure davantage qu'un accord prévoyant une « feuille de route » commune vers la séparation au sein des deux partis.

« Au départ, le président évoquait la tenue d'élections avec une plateforme commune [avec l'ERC] », a rappelé le chercheur postdoctoral catalan Marc Sanjaume, affilié à l'Université du Québec à Montréal. « En public, il disait qu'il le faisait pour renforcer le gouvernement. Mais en privé, on croit qu'il le faisait pour éliminer l'ERC. »

L'échec de la stratégie du président Mas Demi-Cadratin qui partagera désormais un programme sur la souveraineté qui sera le même que celui de l'ERC, sans que le reste de sa plateforme soit conforme à celle de ses rivaux Demi-Cadratin n'est peut-être pas si désastreux, selon Marc Sanjaume. « Certains sondages indiquaient qu'une liste conjointe apporterait moins d'appuis qu'une liste séparée, parce que la droite ne voulait pas voter à gauche, et vice versa », a-t-il observé. À son avis, le président adopte une stratégie « étapiste », dans l'espoir de trouver un terrain d'entente avec Madrid.

Mais ce ne sera pas chose facile, prédit Antonio Roldán Monés, expert de l'Espagne et du Portugal à l'Eurasia Group.

« La pression sur le gouvernement va augmenter, mais Madrid ne réagira pas », a-t-il avancé. Les élections régionales en Catalogne auront lieu quelques semaines seulement avant les législatives espagnoles, prévues en novembre 2015.

En pleine campagne électorale, le Parti populaire du président Mariano Rajoy ne se risquera pas à aborder l'épineux dossier de l'indépendance catalane, prédisent les experts.

Madrid, qui considère comme un acte de désobéissance civile la consultation informelle de novembre sur l'indépendance, enquête déjà sur le président Mas. « Et elle va continuer avec sa politique judiciaire, car la stratégie de répression du gouvernement lui a permis de gagner des appuis dans le reste de l'Espagne », a déclaré Marc Sanjaume. « Madrid ne cédera rien, de peur de perdre les élections », a ajouté de son côté Antonio Roldán Monés.

Qu'importe la manière dont les partis souverainistes prévoient atteindre l'indépendance si les élections les reportent au pouvoir, le projet ne verra pas le jour en 2016, avertit M. Roldán Monés. « L'appui à l'indépendance stagne à 42, 45 % depuis 2012 [date des dernières élections régionales en Catalogne]. Je ne crois pas que les partis indépendantistes recueilleront davantage que 42 à 45 % des voix. Ils seront donc incapables de proclamer l'indépendance de manière unilatérale. »

EN CHIFFRES

50

Nombre de sièges (sur 135) du parti Convergence démocratique de Catalogne, du président Artur Mas

21

Nombre de sièges du parti Esquerra Republicana de Catalunya, dirigé par Oriol Junqueras