L'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch (HRW) a appelé lundi les autorités russes à «cesser d'encourager l'homophobie», s'inquiétant des violences croissantes subies par les homosexuels dans le pays.

Depuis l'adoption par la Russie en juin 2013 d'une loi punissant tout acte de «propagande» homosexuelle devant des mineurs, HRW note dans un rapport «une hausse des attaques, du harcèlement et des discriminations contre les gais, lesbiennes et transgenres» (LGBT).

«La violence subie par les LGBT en Russie est motivée sans aucun doute par l'homophobie, mais les autorités ignorent délibérément ces crimes haineux et ne protègent pas les victimes», explique Tanya Cooper, chercheuse de l'ONG, citée dans le rapport. «Les autorités doivent cesser d'encourager et de tolérer l'homophobie», insiste-t-elle.

L'homosexualité était considérée comme un crime en Russie jusqu'en 1993 et comme une maladie mentale jusqu'en 1999. Les parades de la fierté gaie y sont systématiquement interdites et l'homophobie s'y exprime souvent ouvertement.

La situation s'est encore tendue avec l'adoption l'année dernière de la loi punissant d'amende et de peines de prison toute «propagande» homosexuelle devant mineurs.

Le président russe Vladimir Poutine, qui s'affiche en héraut des valeurs conservatrices contre la décadence de l'Occident, s'est défendu de toute homophobie, assurant que la Russie privilégiait simplement «une famille traditionnelle [et] saine».

«Pas de volonté» de la justice 

«Cette loi contre la propagande gaie n'est pas destinée à protéger les enfants ou même à criminaliser l'homosexualité: elle vise à réduire la communauté LGBT au silence, à la renvoyer au placard», a dénoncé Mme Cooper dans un entretien à l'AFP.

Cette loi «encourage ce type de violences, cela encourage les gens à penser que les LGBT sont des citoyens de seconde zone, que c'est normal de les tabasser», a-t-elle poursuivi, dénonçant «l'absence virtuelle d'investigations de la part de la police» en cas d'agressions contre des homosexuels.

Le rapport s'appuie sur le témoignage de 78 victimes et souligne le manque de soutien judiciaire apportée à ces personnes: seules deux plaintes sur 44 ont abouti à la condamnation des accusés, selon HRW, qui souligne que les peines prononcées ont été légères, comparées aux faits reprochés.

Ainsi, Dmitri Chijevski, militant pour les droits de la communauté LGBT, a perdu la vision d'un oeil après avoir été frappé par des inconnus. La police n'a pas voulu donner suite à sa plainte et a classé l'affaire.

«La réponse habituelle est qu'il ne s'agit pas d'un ''crime haineux'' parce que la majorité de la société russe hait les gais, donc c'est normal de les haïr et de les tabasser», explique Ksénia Kiritchenko, avocate de l'association Coming Out, qui défend les droits de la communauté LGBT, citée par HRW.

Selon Tanya Cooper, «les organes judiciaires russes ont les outils pour condamner la violence homophobe, mais pas la volonté».

Dans son rapport, l'ONG s'inquiète aussi de l'apparition de groupe «de vigilance antigaie» dans plusieurs dizaines de villes russes depuis 2012.

Les membres de ces groupes donnent de faux rendez-vous galants à de jeunes garçons et adultes avant de les humilier sous l'objectif d'une caméra et de diffuser sur internet la vidéo, dénonce Human Rights Watch.