De retour de Guantanamo, une délégation européenne a proposé mercredi à Washington que les détenus considérés comme «libérables» puissent bénéficier de conditions de détention plus souples, a-t-on appris auprès d'un attaché parlementaire.

Cette délégation informelle de cinq députés européens, conduite par l'ancienne ministre française de la Justice Rachida Dati, a visité certains camps de détention de Guantanamo mardi, dans la perspective de leur fermeture, promesse encore non tenue du président américain Barack Obama.

Sur les 142 hommes enfermés à Guantanamo, 73 ont reçu une approbation pour transfert des autorités américaines.

Dans un entretien à l'AFP à Washington, Rachida Dati a souligné les «conditions de détention extrêmement radicales pour des profils sur lesquels il y a des preuves totalement mineures».

Dans ses rencontres mercredi au département d'État et à la commission des droits de l'homme de l'Organisation des États américains (OEA), la délégation européenne a proposé que ces 73 hommes soient détenus à part, dans un camp distinct, «pour envoyer un signal positif aux pays tiers» susceptibles de les accueillir, a indiqué à l'AFP Philip Kyle, attaché parlementaire de Mme Dati.

Car, à l'exception d'une quinzaine de prisonniers «de grande valeur», comme les accusés du 11-Septembre, enfermés au camp 7, les détenus sont incarcérés sans distinction dans les camps 5 et 6.

Leur comportement au sein de la prison dicte leur affectation dans un de ces deux camps, le camp 5 étant réservé aux quartiers disciplinaires.

La proposition consisterait à regrouper les hommes «libérables» dans un camp aux conditions plus souples à la manière du camp Iguana, où étaient autrefois détenus les Ouïghours avant leur libération.

«Quand vous arrivez là-bas ce n'est pas un centre de détention au sens classique du terme, c'est plutôt un centre de rétention, c'est-à-dire qu'on exclut de la société des gens dont on considère qu'ils sont dangereux ou potentiellement dangereux», a poursuivi Rachida Dati.

«Cette dangerosité doit se décliner, se prouver, s'établir, et quand on ne peut ni l'établir ni la prouver, (...) ils n'ont pas vocation à rester» à Guantanamo.

Mais le Congrès américain refusant de lever ses restrictions sur les transfèrements de détenus aux États-Unis, l'administration Obama est contrainte de trouver des pays d'accueil pour les hommes «libérables», seule condition pour vider la prison et à terme la fermer.

«Travaillons sur cette dangerosité», a plaidé Rachida Dati, «les conditions de détention, à mon sens, peuvent radicaliser encore plus, peuvent peut-être augmenter la dangerosité».

«Si les Américains disent: "Nous, on ne souhaite pas en accueillir parce qu'il y a des questions de sécurité", comment voulez-vous faire passer la pédagogie vis-à-vis d'autres pays, en particulier dans des pays européens en disant: "Nous, c'est notre sécurité qui est menacée, mais vous, vous pouvez les accueillir pour des raisons humanitaires"».

«Vous ne pouvez pas invoquer la sécurité pour vous et l'humanitaire pour nous», a résumé la députée européenne, après sa rencontre avec l'envoyé spécial de Barack Obama, chargé de la fermeture de Guantanamo, Cliff Sloan.

«On leur a dit la difficulté de l'Europe de les accueillir», a encore rapporté l'ancienne ministre. «L'Europe de 2003 n'est pas l'Europe de 2014. La France ou la Belgique ou l'Angleterre subissent de plein fouet le djihadisme» et «il faut faire très attention de ne pas aggraver nos propres difficultés».