Les milieux d'affaires écossais se déchirent à trois semaines d'un référendum d'autodétermination historique, alors que le premier ministre David Cameron attendu jeudi à Glasgow en renfort au camp du «non» à l'indépendance, vante le «marché unique britannique».

Réponse du berger à la bergère : au lendemain d'une lettre de 130 patrons écossais favorables au maintien de l'Écosse au sein du Royaume-Uni, 200 chefs d'entreprises écossais ont signé jeudi une pétition pour l'indépendance de leur contrée septentrionale.

Assez d'être «la vache à lait» de Londres, soulignent ces dirigeants en évoquant implicitement la manne pétrolière en mer du nord. Il est temps pour l'Écosse de voler de ses propres ailes afin de construire une société «plus juste et prospère».

L'indépendance de l'Écosse, sur laquelle 4,2 millions d'électeurs résidant dans la région devront se prononcer le 18 septembre, offrirait «davantage d'atouts à nos points forts économiques dans un monde de plus en plus compétitif», affirment les signataires de cette lettre publiée dans le quotidien écossais The Herald.

La plupart d'entre eux sont des patrons de petites firmes, mais certains dirigent de grands groupes, comme Brian Souter, président de l'entreprise ferroviaire Stagecoach, le magnat de l'ingénierie Jim McColl ou le gérant de fonds George Mathewson, ex-PDG de la prestigieuse Royal Bank of Scotland.

Mercredi, 130 patrons écossais avaient au contraire souligné «les liens économiques très forts au sein du Royaume-Uni (qui) soutiennent près d'un million d'emplois écossais» pour appeler au maintien de la région dans une union remontant à 1707.

Parmi les signataires figuraient quelques gros bonnets, dont les dirigeants des banques HSBC et The Co-operative Bank, du groupe d'ingénierie Weir ou du géant minier BHP Billiton.

«L'incertitude est mauvaise pour les affaires», ajoutaient-ils, mettant en avant les interrogations autour de la future monnaie d'une Écosse indépendante ou de son adhésion à l'Union européenne.

La dimension économique du débat sur l'indépendance de l'Écosse, et ses conséquences sur l'emploi, est présente depuis l'annonce de la tenue du référendum il y a près d'un an et demi. Mais son intensité a décuplé ces dernières semaines à mesure que l'échéance approche.

Même si les sondages accordent une douzaine de points d'avance aux partisans du maintien de l'union sur les indépendantistes, les Écossais se passionnent pour l'enjeu et la participation au vote pourrait être massive.

Terre hostile à la droite britannique

Jeudi soir, le premier ministre britannique David Cameron lui-même va apporter son soutien aux partisans du «non», lors d'un discours enflammé devant la branche locale du patronat britannique à Glasgow, la plus grande ville écossaise.

Le Royaume-Uni, qui regroupe l'Angleterre, l'Écosse, le Pays de Galle et l'Irlande du Nord, «est l'un des marchés uniques les plus anciens et les plus réussis du monde», devait-il expliquer en soulignant que «l'Écosse commerce deux fois plus avec le reste du Royaume-Uni qu'avec l'ensemble du reste du monde».

En tant que membre du Royaume-Uni, l'Écosse dispose d'un accès «à un vaste marché domestique, appuyé sur une monnaie commune, des taxes communes, des règles et régulations communes (...), sans frontière ni coût de transaction, sans restriction de mouvement pour les biens, les investissements et les personnes», devait marteler M. Cameron, selon des extraits du discours diffusés par ses services.

Le chef de file de la droite britannique prend ainsi une nouvelle position marquée dans la campagne sur l'avenir de l'Écosse, où son parti est notoirement impopulaire.

Le parti conservateur et son allié libéral démocrate au gouvernement militent pour le «non» au côté des travaillistes, opposés à leur politique d'austérité à l'échelle du pays, mais d'accord pour maintenir l'intégrité de l'union. Le Parti travailliste est traditionnellement plus puissant que les «tories» de M. Cameron en Écosse, terre ancrée à gauche.

C'est à un travailliste, l'ancien ministre des Finances Alistair Darling, qu'a échu la direction de la campagne «Better together» (Mieux ensemble). C'est également lui qui a porté la contradiction au premier ministre de la région écossaise et champion du camp de la sécession, Alex Salmond, lors des deux débats télévisés sur le sujet.