Barack Obama rencontre aujourd'hui le pape François. La contestation catholique de l'Obamacare dominera-t-elle leur conversation? C'est la deuxième visite du président américain au Vatican: en 2009, il y avait rencontré Benoît XVI. Voici quatre éléments pour comprendre les enjeux de cette rencontre.

Ce qu'Obama attend du pape

«De bonnes relations d'Obama avec le pape sont favorables aux démocrates pour qu'ils conservent le Sénat en novembre», estime le jésuite Thomas Reese, qui enseigne à l'Université Georgetown et a écrit plusieurs livres sur le Vatican. Le père Reese croit que les discussions porteront surtout sur la scène internationale. «Obama voudra s'assurer que François ne condamne pas trop la politique étrangère américaine, en premier lieu l'utilisation de drones pour des frappes contre des terroristes. Du temps de George W. Bush, les États-Unis avaient réussi à convaincre le Vatican de ne pas condamner trop durement les OGM, vus de manière très critique en Europe, en les présentant comme une solution à la faim dans le monde.»

Ce que le pape attend d'Obama

Comment François abordera-t-il le volet de la réforme de la santé (Obamacare), qui oblige les hôpitaux catholiques à offrir la contraception à leurs employées? C'est la question qui divise les observateurs. «À mon avis, il passera poliment cinq minutes là-dessus, pour satisfaire l'Église américaine, indique le jésuite Thomas Reese. Surtout si, comme des observateurs le suggèrent, Obama insiste sur la nécessité d'encourager l'adoption et de retarder la première relation sexuelle pour diminuer le recours à l'avortement.» Au contraire, Nicholas Hahn, éditeur du site catholique Realclearpolitics, pense que le pape François insistera sur son mécontentement par rapport à la contraception. En janvier, devant une délégation de l'Université catholique Notre-Dame de Chicago, François a rappelé la nécessité de défendre les valeurs de l'Église catholique devant ceux qui veulent les «diluer». «Je pense qu'il faisait référence à l'Obamacare, particulièrement si on considère que Notre-Dame a été le théâtre d'un affrontement entre catholiques à propos d'Obama quand l'université l'a invité à prononcer un discours», note le chercheur.

Les catholiques du Moyen-Orient...

Benoît XVI en avait fait l'un de ses chevaux de bataille. Depuis 10 ans, les chrétiens du Moyen-Orient fuient en masse la région, ce qui menace la survie de «communautés apostoliques» fondées il y a 2000 ans. François en a parlé moins souvent. «Le Vatican s'est aperçu que le fait de sonner l'alarme n'avait pas particulièrement aidé, notamment aux États-Unis, souligne le jésuite Thomas Reese. Les États-Unis sont très sensibles à la question de la liberté religieuse, mais elle est souvent liée à la démocratie. Or, les révolutions démocratiques au Moyen-Orient ont précarisé les chrétiens au lieu de les aider. Les évangéliques posent aussi problème: ils sont de plus en plus influents dans la politique étrangère américaine, et leurs activités de prosélytisme sur le terrain fragilisent les chrétiens établis depuis longtemps, qui savent qu'il faut éviter de faire des vagues pour ne pas indisposer la majorité musulmane.»

... et ceux de Chicago

À l'occasion de sa visite à Benoît XVI, en 2009, Barack Obama avait déclaré que feu le cardinal Joseph Bernardin avait eu une influence importante sur sa carrière et ses convictions. Le religieux était archevêque de Chicago quand Obama y a entamé sa carrière d'organisateur communautaire, dans les années 80, et avait financé certains de ses projets dans les églises catholiques noires. Par la suite, le successeur de Bernardin, Francis George, avait fait partie de la vague conservatrice qui avait transformé l'épiscopat américain et mis l'accent sur la morale sexuelle plutôt que sur la justice sociale. Or, le pape François est sur le point de nommer un successeur au cardinal George. «Chicago est un siège très important aux États-Unis, dit le jésuite Thomas Reese. Son archevêque devient généralement président de la conférence épiscopale. Si on revient au moule Bernardin, ce sera très important pour Obama et les démocrates. En décembre, François a changé la composition de la Congrégation pour les évêques, responsable des nominations épiscopales. Il a remplacé un Américain très moraliste, Raymond Burke, par Donald Wuerl, qui est plus pastoral et conciliant, notamment sur la communion aux politiciens favorisant l'avortement.» Des observateurs conservateurs ont par contre noté que cela pourrait être un préambule à la nomination du cardinal Wuerl au Vatican, ce qui rendrait son siège de Washington vacant pour le cardinal Burke.