Il y a un an aujourd'hui, le pape François était élu. Premier pape du Nouveau Monde, premier jésuite à occuper le trône de saint Pierre, Jorge Mario Bergoglio a immédiatement séduit foules et médias grâce à sa simplicité et à l'accent qu'il met sur la pauvreté. Voici le bilan du pape argentin.

Les homosexuels

«Qui suis-je pour juger?» Ces quelques mots, publiés dans plusieurs revues jésuites l'été dernier, résument l'attitude de François envers l'homosexualité. «Il ne changera rien au niveau doctrinal mais il a changé l'atmosphère», explique Susan Ross, une sociologue du collège Loyola à Chicago qui participera la semaine prochaine à une conférence sur François. «Sous Benoît XVI, il y avait un climat de jugement. François met l'accent sur la pastorale. Il dit aux prêtres de transformer leurs églises en endroits où tous peuvent trouver de la compassion et de la compréhension.»

L'avortement

Un thème sur lequel l'Église se retrouve facilement sur la sellette et que, justement, François a longtemps évité. Jusqu'à janvier dernier, dans un discours où il a qualifié d'«horrible» le sort de ces foetus, les comparant à la nourriture et aux biens de consommation jetés alors qu'ils sont encore bons. Les médias catholiques conservateurs ont lié cette sortie - d'un ton inhabituel pour François - aux nombreuses critiques qui lui avaient été adressées parce qu'il refuse d'insister sur les dogmes moraux de l'Église, «bien connus» selon lui. Lors de son entrevue donnée aux revues jésuites l'été dernier, il avait reconnu avoir été la cible de telles critiques. Sa déclaration de janvier sur l'avortement ne les a pas fait taire, cependant: en février seulement, trois influents commentateurs italiens ont allégué que la démission de Benoît XVI et l'élection de François étaient «illégales» en droit canonique. Au point où Benoît XVI avait jugé bon de faire une apparition-surprise au consistoire accueillant de nouveaux cardinaux, en février, et de demander à son bras droit, Georg Gänswein, de donner des entrevues évoquant la proximité entre les deux papes.

La pilule et la communion aux divorcés

Ce sont les deux points sur lesquels François pourrait ébranler le dogme. En juillet, le bras droit de François, le cardinal hondurien Oscar Andres Rodriguez Maradiaga, avait évoqué la possibilité que les divorcés remariés puissent recevoir la communion, en marge des Journées mondiales de la jeunesse de Rio. Le pape avait fait de même au cours d'un point de presse dans l'avion papal le ramenant en Italie. «Étant latin, Bergoglio est moins légaliste que les Anglo-Saxons, dit Susan Ross. Il est ouvert aux accommodements pastoraux pour tenir compte de la situation particulière des couples. Après tout, dans les Églises orientales catholiques, les divorcés remariés peuvent communier pourvu qu'ils soient repentants.» Philippe Vaillancourt, du site québécois d'actualité religieuse Crayon et Goupillon, souligne que le synode sur la famille convoqué par le pape l'automne prochain est seulement le troisième de l'histoire. Ces assemblées «traitent seulement de sujets très importants, comme l'interprétation de Vatican II en 1985, dit M. Vaillancourt. Je ne serais pas surpris qu'il y ait des changements notables.» Mais en février, le vaticaniste du Boston Globe, John Allen, rapportait que plusieurs évêques africains avaient demandé à des cardinaux d'intervenir pour empêcher cette «dilution» de la sacralité du mariage, qui selon eux nuirait à leur offensive contre la polygamie.

La prêtrise des femmes et le mariage des prêtres

En Argentine, Jorge Mario Bergoglio, avant de devenir pape, incitait les prêtres à envoyer des diacres célébrer l'eucharistie dans les bidonvilles, s'ils n'avaient pas le temps de le faire eux-mêmes. En janvier, dans une entrevue au quotidien catholique français La Croix, son bras droit, le cardinal hondurien Oscar Andres Rodriguez Maradiaga, a avancé qu'il pourrait nommer un couple (présumément marié) à la tête de la future Congrégation pour les laïcs - une première à la curie romaine. Mais Susan Ross, du collège Loyola, doute qu'il y ait des changements doctrinaux sur le sujet. «La prêtrise des femmes, il faut oublier ça sous François, dit Mme Ross. Le mariage des prêtres aussi. Mais il pourrait permettre d'exploiter davantage les règles actuelles, qui permettent aux diacres de faire des baptêmes et de bénir des mariages, et qui n'empêchent aucunement les femmes de devenir diacres. Cela dit, je crois que François voit les femmes de manière très traditionnelle. Il y a deux semaines lors d'une rencontre avec des Italiennes, il a insisté sur les qualités nourricières et de tendresse des femmes. C'était très décevant.»

L'économie

C'était le thème majeur de la première encyclique de François, publiée en décembre. Les médias anglo-saxons ont fait leurs choux gras de son attaque contre la libéralisation des marchés et la conviction de plusieurs économistes que l'enrichissement des plus riches profitera aux pauvres (trickle-down economics). «Il faut comprendre qu'en Amérique latine, les catholiques ont moins de temps à consacrer aux questions morales parce qu'ils sont préoccupés par leur survie, souvent au jour le jour», explique Gustavo Morello, un jésuite argentin qui enseigne au Boston College. «François est très influencé par le péronisme, le courant politique dominant en Argentine, qui n'est pas contre le capitalisme mais vise une réglementation très stricte, parfois même des salaires.» John Cromwell, l'auteur du célèbre livre Hitler's Pope attaquant le silence de Pie XII sur l'Holocauste, ajoute que le péronisme était lui-même basé sur une encyclique de Pie XI, Quadragessimo Anno. «François met l'accent sur la redistribution de la richesse au détriment de la création de la richesse», déplore M. Cromwell, qui enseigne à l'Université de Cambridge, en Angleterre, et vient de publier une charge en règle contre la confession catholique, The Black Box.