La grande coalition entre sociaux-démocrates et conservateurs en Autriche devrait se maintenir au pouvoir à l'issue des élections législatives de dimanche, mais elle essuie parallèlement un revers cuisant avec la forte montée de l'extrême droite.

Selon les résultats officiels provisoires publiés dimanche soir par le ministère de l'Intérieur, sans les votes par correspondance qui seront dépouillés vendredi 4 octobre, les sociaux-démocrates (SPÖ) du chancelier sortant Werner Faymann arrivent en tête avec 27,10 % des suffrages, soit une baisse de plus de deux points comparé aux 29,26 % de 2008. Son traditionnel allié gouvernemental, le Parti populaire (ÖVP, démocrate-chrétien), accuse un recul similaire à 23,81 %, comparé aux 25,98 % en 2008.

Les deux grands partis du centre devraient néanmoins assurer la reconduction d'un gouvernement de coalition, pour laquelle Werner Faymann, âgé de 53 ans, s'est prononcé dès dimanche soir, alors que l'ÖVP s'est murée à ce sujet dans un prudent silence: avec 50,91 % des suffrages, ils comptent 99 sièges sur les 183 que compte le Conseil national, la chambre basse du Parlement autrichien, alors que la majorité absolue est de 92.

Le SPÖ et l'ÖVP enregistrent leur plus mauvais score depuis l'avènement de la 2e République, après l'effondrement en 1945 de la dictature nazie, alors que les Autrichiens ont privilégié depuis 68 ans les alliances entre ces deux formations, gage de stabilité dans le pays et reflet d'un large consensus social.

La seule alternative arithmétique à une grande coalition serait un gouvernement rassemblant les démocrates-chrétiens, l'extrême droite et la liste du milliardaire eurosceptique austro-canadien Frank Stronach, une alliance pour le moins hypothétique.

Le scrutin est marqué par la forte progression du principal parti d'extrême droite FPÖ, qui gagne près de quatre points à 21,40 % (17,54 % en 2008). Le FPÖ de Heinz Christian Strache, qui a prêché «l'Amour du prochain» - à condition qu'il s'agisse d'Autrichiens - a mené une campagne axée sur le rejet du centralisme de Bruxelles et des attaques contre les demandeurs d'asile et les immigrés. «HC», comme il aime se faire appeler, a profité de la campagne terne et clientéliste des deux grands partis et d'une perte de vitesse du nouveau parti du milliardaire austro-canadien eurosceptique Frank Stronach.

«Aujourd'hui il y a trois partis établis en Autriche et le SPÖ ne peut plus prétendre à la domination», a lancé le dirigeant du FPÖ, âgé de 44 ans, à son quartier général à Vienne: «On ne peut pas former une coalition de perdants», a-t-il insisté, «on ne peut plus nous exclure!», a-t-il dit à l'adresse en particulier du SPÖ qui a toujours catégoriquement rejeté une alliance avec les «Bleus».

Le gouvernement du chancelier social-démocrate sortant Werner Faymann, dont ce sera le second mandat, peut se targuer d'un bon bilan économique, avec un taux de chômage contenu sous les 5 %. Mais les nombreux scandales de corruption de ces dernières années et les querelles internes synonymes de paralysie des réformes ont lourdement pesé sur sa popularité.

Le milliardaire austro-canadien Frank Stronach recueille 5,79 % des suffrages alors qu'il était crédité de 12 % d'intentions de vote il y a un an. Le fondateur du géant mondial de l'équipement automobile Magna s'est décrédibilisé au cours de la campagne par ses surprenantes suggestions, notamment le rétablissement de la peine de mort pour les tueurs professionnels, la création d'un euro différent pour chaque pays ou son évocation d'une invasion de l'Autriche par la Chine.

Mais son arrivée sur l'échiquier politique autrichien a cependant permis de brider la progression du FPÖ et elle est aussi en partie responsable de la piètre performance du BZÖ, parti fondé à la suite d'une scission du FPÖ par le charismatique dirigeant populiste Jörg Haider, décédé dans un accident de voiture en 2008: avec seulement 3,63 % des voix, le BZÖ est éliminé du Parlement alors qu'il avait encore obtenu 10,70 % en 2008.

Le nouveau petit parti libéral NEOS, pro-européen et soutenu par l'industriel autrichien du bâtiment Hans Peter Haselsteiner, crée de son côté la surprise en réussissant à passer la barre des 4 % nécessaires pour entrer au Parlement (4,80 %).

Les Verts, auteur d'une efficace campagne anticorruption, enregistrent le meilleur score de leur histoire (11,46 %), mais en dessous des sondages qui les créditaient de 14 à 15 %.

Quelque 6,4 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes pour élire les 183 députés de leur Conseil national, la chambre basse du Parlement. La participation devrait avoir baissé de deux points, après 78,82 % en 2008.