Le Parlement turc a adopté vendredi un projet de loi défendu par le parti islamo-conservateur au pouvoir qui restreint la consommation, la vente et la publicité des boissons alcoolisées, dénoncé comme une atteinte aux libertés par l'opposition.

Au terme d'une procédure d'une rare célérité et de débats très agités, ce texte aussi strict que controversé présenté par le Parti de la justice et du développement (AKP) a été voté dans la nuit de jeudi à vendredi par une majorité des députés, au nom de la protection de la santé de la population.

Aux termes de cette loi, la vente d'alcool est interdite dans tous les commerces entre 22 h et 6 h du matin, de même qu'à toute heure à proximité des établissements scolaires et des mosquées. Des messages rappelant les dangers de l'alcool sont désormais obligatoires sur chaque boisson en contenant.

De même, le parrainage d'événements sportifs ou autres par les producteurs de boissons alcoolisées est banni, tout comme la présence d'images incitant à sa consommation dans les films de cinéma, les séries télévisées et les clips musicaux.

Le texte durcit enfin la répression contre l'ivresse au volant en prévoyant une amende de 700 livres turques (environ 391 $) et une suspension de six mois du permis de conduire tout automobiliste contrôlé avec un taux d'alcoolémie supérieur à 0,05 %. Ceux dont le taux dépasse 0,1 % sont passibles d'une peine de deux ans de prison ferme.

Tout au long des débats parlementaires, l'opposition laïque a violemment dénoncé un texte liberticide en prêtant au régime la volonté de vouloir régir les comportements privés de la population et islamiser la société turque.

«Ce texte nous est imposé par des motivations religieuses et idéologiques», a dénoncé un député du principal parti d'opposition, Musa Cam. «Ce n'est pas un combat contre les méfaits de l'alcool, mais une tentative (du parti au pouvoir) d'imposer ses croyances et son mode de vie à l'ensemble de la société», a poursuivi l'élu.

Le premier ministre Recep Tayyip Erdogan a profité vendredi d'une intervention publique pour justifier la nouvelle loi.

«Devons-nous, en tant qu'État, encourager les mauvaises habitudes? Nous ne voulons pas d'une jeunesse qui errerait ivre jour et nuit», a-t-il plaidé.

Selon une récente étude de l'Institut national de la statistique turc (TurkStat), 85 % de la population turque ne consomme pas d'alcool.

Le premier ministre turc est régulièrement accusé de vouloir «islamiser» la société laïque et tournée vers l'Occident née de la proclamation de la République en 1923 sur les ruines de l'Empire ottoman.

Il y a quelques mois, la compagnie aérienne Turkish Airlines, détenue à 49 % par l'État, s'est attirée moult critiques en interdisant l'alcool sur la plupart de ses vols. Jamais en retard d'une provocation, M. Erdogan lui-même relancé la polémique le mois dernier en décernant à l'ayran, une boisson à base de yaourt, le titre de boisson nationale, de préférence à la bière ou au fameux raki anisé.