Des milliers de défenseurs des droits des homosexuels ont manifesté lundi à Amsterdam contre la visite de Vladimir Poutine aux Pays-Bas, premier pays au monde à avoir autorisé le mariage homosexuel en 2001.

Le président russe a soutenu de son côté qu'il «n'y a pas de discrimination contre les minorités sexuelles» dans son pays.

Arborant des couleurs criardes, les quelque 3000 manifestants étaient rassemblés dans une atmosphère festive et musicale devant le musée de la Marine, où M. Poutine devait dîner avec le premier ministre néerlandais Mark Rutte, a constaté une journaliste de l'AFP. Des dizaines de policiers ont été déployés, dont la police antiémeute.

Les manifestants s'insurgent contre un projet de loi examiné par la Douma (chambre basse du Parlement russe), visant à interdire la «propagande» homosexuelle auprès des jeunes.

Cette loi, qui punit les auteurs de tout «acte public» faisant la promotion tant de l'homosexualité que de la pédophilie, et prévoit des amendes allant jusqu'à 500 000 roubles (16 300 $), a été vivement critiquée, notamment par des gouvernements occidentaux.

«Si je me promène dans la rue main dans la main avec ma femme, cela peut être défini comme de la propagande, montrer un drapeau arc-en-ciel (symbole du mouvement gai, ndlr) peut être considéré comme de la propagande, et tout cela est punissable», a regretté Tanja Ineke, présidente du COC, organisatrice de la manifestation et plus ancienne organisation de défense des droits des homosexuels au monde.

«J'ai fait part à M. Poutine de nos préoccupations sur les mesures et la position (de Moscou, ndlr) contre les organisations non gouvernementales et les droits des homosexuels», a indiqué Mark Rutte lors d'une conférence de presse: «nous avons eu un bon dialogue», a-t-il dit.

Le président russe a rétorqué qu'«il n'y a pas de discriminations contre les minorités sexuelles» en Russie. «Ces gens, comme tous les autres, jouissent de tous les droits et libertés».

«Mais nous sommes d'accord sur le fait que les mariages homosexuels ne permettent pas de mettre au monde des enfants. Et aussi bien en Europe qu'en Russie, nous sommes confrontés à des problèmes démographiques», a-t-il soutenu.

«Il faut que nous trouvions un consensus avec cette communauté», a conclu M. Poutine.

Des drapeaux arc-en-ciel en berne

La visite de M. Poutine est centrée sur les échanges commerciaux entre les Pays-Bas et la Russie qui sont d'importants partenaires commerciaux.

La Russie a notamment beaucoup investi dans le port de Rotterdam, où transite une quantité importante de son gaz et de son pétrole. De nombreuses sociétés russes sont en outre installées aux Pays-Bas, en raison de son régime fiscal favorable.

Le groupe pétrolier anglo-néerlandais Royal Dutch Shell et la filiale pétrolière du géant russe Gazprom, Gazprom Neft, devaient signer lundi un accord de coopération sur l'Arctique russe, accord vivement critiqué par l'ONG Greenpeace, qui l'a qualifié de «mauvaise nouvelle pour l'environnement fragile de l'Arctique».

Plus tôt dans la journée, M. Poutine a visité en compagnie de la reine Beatrix le musée de l'Ermitage d'Amsterdam, où a lieu une exposition sur Pierre le Grand, venu aux Pays-Bas il y a 300 ans pour y trouver des idées afin de moderniser la Russie.

Une immense banderole d'Amnesty International accrochée dans la ville disait : «Pas de journalistes critiques au-delà de ce point. Ne pas effrayer le président Poutine. Il faut que cette zone reste dénuée de tout droit de l'homme».

Des drapeaux arc-en-ciel en berne ont été hissés à travers Amsterdam, dont un par l'ancien maire d'Amsterdam Job Cohen, premier maire au monde à célébrer un mariage homosexuel.

La municipalité s'est jointe au mouvement. «Nous avons hissé le drapeau au plus haut pour qu'il soit visible pour tout le monde, pour exprimer nos opinions et montrer que nous en sommes fiers», a déclaré à l'AFP Tahira Limon, porte-parole de la municipalité. «Nous sommes choqués par cette proposition de loi» en, Russie.

Les autorités russes ont par ailleurs entamé en mars une campagne de vérification des ONG, parmi lesquelles la principale ONG des droits de l'homme en Russie, Memorial, l'antenne moscovite d'Amnesty et des fondations allemandes.

La chancelière allemande Angela Merkel avait interpellé publiquement M. Poutine dimanche à Hanovre (nord de l'Allemagne) sur les problèmes rencontrés par ces organisations.

Harangué par quatre manifestantes aux seins nus lundi matin à Hanovre, M. Poutine a déclaré lundi soir : «heureusement que les homosexuels ne se sont pas déshabillés ici».