Au moins 50 000 manifestants sont descendus dans la rue mercredi en Grèce dans le cadre d'une grève générale perturbant notamment les transports, contre la poursuite de l'austérité dont les créanciers internationaux s'apprêtent à vérifier la mise en oeuvre.

À Athènes, la police, largement déployée, a estimé les manifestants à quelque 35 000, et à quelque 15 000 à Salonique, deuxième ville de Grèce, dans le nord.

Des incidents limités ont été signalés : dans la capitale, les policiers a tiré des gaz lacrymogènes pour repousser des manifestants qui leur lançaient des pierres, tandis qu'à Salonique et Héraklion (Crète), le véhicule d'une télévision et une voiture de patrouille ont été incendiés, et des vitrines de prêteurs sur gages endommagées.

La mobilisation visait, selon les centrales syndicales GSEE du privé et Adedy du public, à «répondre aux politiques sans issue et anti-croissance qui ont paupérisé la société et enfoncent l'économie dans la crise». Elle était au niveau de celle de la dernière journée de protestation sociale en novembre.

«Stop, nous n'en pouvons plus», proclamait la banderole centrale du cortège syndical, grossi par les troupes du principal parti d'opposition, le Syriza, de gauche radicale, dont les tracts appelaient à «faire tomber le plus vite possible» le gouvernement.

Dans la foule, Panayotis Kolovos, jeune avocat de 25 ans «se considère comme chanceux avec au moins un emploi, même s'il n'est payé que 600 euros (815 $)». «Nous ne survivons qu'à grand-peine», lance-t-il à l'AFP.

«Tout le monde autour de moi est sans emploi», affirme Alexandra Papadatou, 28 ans, diplômée d'économie au chômage. Le chômage frappe 27 % des actifs, plus de 60 % chez les jeunes.

Comme d'habitude, le Front syndical communiste Pame a manifesté à part, sous le slogan «Non aux bagnes modernes», pour dénoncer la dérégulation en cours du marché du travail qui fait baisser les salaires en cascade.

Quelques tracteurs figuraient dans son cortège, signal de la colère des agriculteurs, mobilisés dans le centre rural contre un durcissement de leur régime fiscal et le manque de crédit.

Asphyxie économique et misère

Comme en Espagne ou au Portugal, les contestataires grecs ne voient plus d'issue à une politique de rigueur et de réformes initiée en 2010, qui se traduit dans l'immédiat par plus d'asphyxie économique et met à bas la santé, l'éducation et la protection sociale.

«En aucun cas nous ne pouvons demander des efforts supplémentaires aux Grecs», a d'ailleurs convenu mardi le président français François Hollande, en visite de «soutien» à Athènes, alors que son homologue, Carolos Papoulias, au rôle honorifique, soulignait le risque d'une «explosion sociale».

Dans l'immédiat, «il s'agit juste d'appliquer» les engagements pris en novembre pour arracher aux bailleurs de fonds UE et FMI la poursuite de leur soutien financier, «en particulier en matière de privatisations, de perception des impôts et de réduction du secteur public», a commenté pour l'AFP une source du ministère des Finances.

Selon elle, le gouvernement de coalition droite-gauche modérée attend en conséquence «sans grande pression» le retour, fin février-début mars, de la troïka des créanciers (UE-FMI-BCE). Les inspections de la troïka conditionnent le versement des prêts dont la Grèce doit bénéficier pour un total prévu de 240 milliards d'euros (326 milliards de dollars).

Mais pour les manifestants, c'est déjà trop, alors que selon une étude, plus de la moitié des foyers est menacée d'insolvabilité. «Toutes ces mesures ont apporté la misère», s'emporte Dimitris Balayannis, un technicien de presse de 51 ans, fraîchement licencié.

L'exécutif lui-même rechigne parfois à licencier des fonctionnaires, il tente de convaincre ses créditeurs que les départs en retraite suffiront à tenir l'objectif de 25 000 postes en moins dans le public pour 2013.

Mais le premier ministre conservateur Antonis Samaras a aussi recouru à la manière forte - intervention policière et réquisition - pour casser deux récentes grèves des marins et du métro d'Athènes.

La grève générale, la première de l'année, a été avancée en riposte à ce durcissement.

Dans un pays à l'activité déjà passablement ralentie par six ans de récession, la grève a perturbé les dessertes aériennes domestiques, ferroviaires et urbaines, et maintenu à quai les bateaux desservant les îles, tandis qu'hôpitaux, écoles et administrations ont tourné au ralenti.