La chancelière allemande, Angela Merkel, a invité mercredi les Allemands à considérer l'accession au pouvoir de Hitler, il y a 80 ans, comme un «avertissement permanent» pour la démocratie et la liberté.

On a profité de cet anniversaire pour inaugurer l'exposition Berlin 1933, sur la voie de la dictature, consacrée aux six premiers mois du «Führer» au pouvoir, dans un lieu chargé de symbole: l'ancien siège de la Gestapo (la police secrète de l'Allemagne nazie) à Berlin, qui abrite aujourd'hui un lieu d'exposition en plein air.

C'est là que Mme Merkel a rappelé sur un ton solennel: «Il y a 80 ans, jour pour jour et quasiment à la même heure, le président Paul von Hindenburg nommait Adolf Hitler chancelier du Reich.»

Cette nomination, abondamment commentée dans la presse allemande de 2013, ouvrait la voie à 12 années de nazisme et allait provoquer la mort de 40 à 60 millions de personnes en Europe, dont 6 millions de juifs exterminés dans les camps de la mort.

«Cela doit être un avertissement permanent pour nous, Allemands», a martelé Angela Merkel. Elle a souligné que, à l'époque, personne n'a cru que ce peintre autrichien raté aux théories simplistes resterait au pouvoir.

«Les droits de l'homme ne s'imposent pas de soi. La liberté ne va pas de soi et la démocratie ne réussit pas de soi», a-t-elle ajouté.

«Tout ce qui fait une société vivante et humaine nécessite des hommes qui manifestent respect et attention envers les autres, qui prennent des responsabilités pour eux et pour les autres», a insisté la dirigeante. S'exprimant à quelques centaines de mètres seulement du mémorial de l'Holocauste, la chancelière a, en outre, réaffirmé «la responsabilité permanente» de l'Allemagne pour «la rupture de civilisation» qu'a représentée la Shoah.

Il n'a fallu que six mois à Adolf Hitler «pour anéantir toute la diversité» de la société allemande, selon elle.

«La montée du national-socialisme n'a été possible que parce que les élites et de larges pans de la société allemande y ont participé ou au moins l'ont cautionnée», a-t-elle analysé.

«C'est arrivé, cela peut donc arriver à nouveau», a affirmé le directeur du lieu d'exposition Topographie de la terreur, Andreas Nachama, en citant Primo Levi, écrivain italien qui a survécu aux camps. «Nous nous élevons contre cela. Chacun à sa place. À l'école, à l'université, sur son lieu de travail (...) Tout le monde doit faire en sorte que cela ne se reproduise plus jamais.»

Les députés du Bundestag ont quant à eux commémoré ce mercredi la libération du camp d'Auschwitz, le 27 janvier 1945, par l'Armée rouge. Seules 12 années séparent le 30 janvier 1933 et le 27 janvier 1945, a souligné le président de la chambre basse du Parlement, Norbert Lammert. Mais c'est aussi «une éternité de l'horreur».

Invitée à s'exprimer devant l'assemblée plénière du Bundestag, l'écrivaine et journaliste israélo-allemande Inge Deutschkron, survivante de la Shoah, a témoigné une nouvelle fois de l'abomination du régime nazi.

«Presque tous les jours il y avait de nouvelles lois, directives et interdictions pour les juifs», a raconté cette femme de 90 ans, qui a passé la guerre cachée en Allemagne avec sa mère. «On nous a interdit d'aller chez le coiffeur, d'aller à la laverie. Les gens n'avait plus le droit de nous vendre du savon, des oeufs, du beurre et du lait», a-t-elle poursuivi. Après «on ne nous a plus autorisés à faire nos courses qu'entre 16 h et 17 h».

Le président de la République, Joachim Gauck, devait, lui, rendre hommage à l'organisation de résistance Rose blanche, qui regroupait des étudiants de Munich (sud) finalement arrêtés par la Gestapo et exécutés en 1943.

Le 80e anniversaire de l'accession de Hitler à la chancellerie a également suscité un vif intérêt dans les médias alors que le Führer reste une figure omniprésente en Allemagne.

Pour la première fois depuis 1945, l'Allemagne envisage en outre la réédition dans deux ans de Mein Kampf, le pamphlet idéologique rédigé par Adolf Hitler en 1924.

PHOTO JOHN MACDOUGALL, AFP

«Cela (l'accession de Hitler au pouvoir) doit être un avertissement permanent pour nous, Allemands», a martelé Angela Merkel, soulignant qu'à l'époque personne ne pensait que ce peintre autrichien raté, aux théories simplistes, resterait au pouvoir.