La gauche et les populistes ont remporté dimanche les élections législatives en Lituanie au détriment des conservateurs, dans un pays lassé par quatre années d'austérité.

Selon les résultats quasi-définitifs annoncés à l'issue du second tour de ce scrutin par la Commission électorale, le parti social-démocrate arrive en tête avec au total 38 sièges dans le futur Parlement, devant les conservateurs du Premier ministre sortant Andrius Kubilius (32).

Le parti du Travail de Victor Uspaskich et le parti populiste de droite Ordre et Justice, futurs alliés des sociaux-démocrates, en ont remporté respectivement 30 et 11.

Le parti Ordre et Justice dirigé par l'ex-président Rolandas Paksas destitué en 2004 pour violation de la Constitution, est un parti d'opposition de droite au gouvernement de M. Kubilius.

Les trois formations disposeront ensemble de 79 sièges sur les 141 du Parlement monocaméral lituanien.

«J'évalue ces résultats positivement. Après le second tour, nous arrivons en tête», a déclaré à la télévision Algirdas Butkevicius, le chef des sociaux-démocrates, qui fait figure de Premier ministre potentiel de la future coalition gouvernementale.

Dans l'après-midi, après avoir voté, M. Butkevicius a réitéré l'idée d'une coalition «de centre gauche». Désormais, «nous voudrions passer des entretiens à des actions concrètes», a-t-il déclaré.

De son côté, Victor Uspaskich, a rappelé avoir «un accord avec les sociaux démocrates et le parti Ordre et justice. Dans cette situation, nous ne changeons pas notre direction et nous allons poursuivre les négociations avec eux».

Le mouvement libéral, allié des conservateurs, a obtenu 10 sièges, le parti de la minorité polonaise, 8, et la Voix du courage, un nouveau parti anti-pédophile créé à la suite d'un scandale de moeurs, 7.

Les conservateurs de M. Kubilius, au pouvoir depuis quatre ans, ont été sanctionnés pour leur politique d'austérité bien que celle-ci ait permis à ce pays balte de 3 millions d'habitants de sortir d'une profonde crise économique.

Alors qu'en 2009, l'économie lituanienne s'était contractée de 14,8%, les mesures draconiennes du gouvernement conservateur avaient permis à ce pays de renouer avec la croissance en 2010 et son PIB devrait augmenter de 2,5% en 2012.

«Nos résultats ne sont pas mauvais. On peut les évaluer positivement, nous sommes un des grands partis au Parlement», a réagi dimanche soir devant la presse M. Kubilius.

Soulignant que le Parlement serait «plutôt fragmenté», il a réaffirmé son refus de rejoindre une coalition qui serait formée avec le parti du Travail.

La semaine dernière, M. Kubilius avait exclu toute coopération avec ce parti, impliqué dans des achats de voix lors du premier tour alors que la police a annoncé l'ouverture de 18 informations judiciaires pour fraude électorale.

La présidente lituanienne Dalia Grybauskaite devrait jouer un rôle important dans la distribution des rôles pour le prochain gouvernement, selon Mme Aine Ramonaite, politologue à l'Institut des relations internationales et des sciences politiques de Vilnius.

Né en Russie, député européen, homme d'affaires ayant fait fortune dans l'importation de gaz russe et ancien ministre de l'Economie, le chef du parti du Travail M. Uspaskich est une personnalité controversée en Lituanie. En 2006, faisant l'objet de poursuites judiciaires à la suite de fraudes fiscales, il a fui en Russie, pour en revenir un an plus tard.

La gauche a promis la hausse du salaire minimum à 1509 litas (437 euros), un impôt progressif sur le revenu et une remise à plat des relations avec la Russie, minées aujourd'hui par des exigences de réparation pour les 50 années d'occupation soviétique et une action en justice contre Gazprom qui fait payer trop cher, selon Vilnius, son gaz fourni à la Lituanie.

La future coalition gouvernementale aura cependant une marge de manoeuvre étroite, compte tenu de l'ambition de Vilnius d'adopter l'euro vers 2015 et de mener à bien la présidence lituanienne de l'UE à partir de l'été 2013.

«Si l'on tient compte des marchés financiers, de notre appartenance à l'UE et de la procédure très rigoureuse de l'UE pour réduire les déficits, la marge de manoeuvre apparait limitée. Toute augmentation du déficit budgétaire impliquerait de nouveaux emprunts plus coûteux. Par conséquent je pense qu'il n'y aura pas de changement radical», a déclaré à l'AFP Ramunas Vilpisauskas, directeur de l'Institut des relations Internationales et de Science politique.

«Quelques engagements symboliques peuvent être mis en oeuvre. Mais je pense qu'une grande partie va rester sur le papier et qu'on expliquera qu'il est difficile de maintenir des promesses dans un gouvernement de coalition», a-t-il ajouté.