Le président géorgien, Mikheïl Saakachvili, a reconnu mardi la défaite de son parti aux législatives remportées contre toute attente par la coalition d'opposition du milliardaire Bidzina Ivanichvili, qui a exigé la démission du chef de l'État dont le mandat s'achève en 2013.        

La défaite lundi du Mouvement national unifié met fin à la domination du parti de M. Saakachvili, arrivé au pouvoir en 2003 après la « Révolution de la rose » qui a chassé l'ancien président Édouard Chevardnadze, ex-chef de la diplomatie soviétique.

« Il est clair que (la coalition d'opposition) le Rêve géorgien a remporté la majorité » aux législatives lundi, a déclaré M. Saakachvili dans un discours retransmis à la télévision, alors que l'avance de la coalition d'opposition n'était encore confirmée que par des résultats partiels.

« Cela veut dire que la majorité parlementaire doit former un nouveau gouvernement, et moi, en tant que président, conformément à la Constitution, je vais faciliter le processus de manière à ce que le nouveau gouvernement commence à travailler », a ajouté M. Saakachvili.

Probable futur premier ministre, M. Ivanichvili a ensuite appelé M. Saakachvili à quitter la présidence.

« La seule bonne décision pour Saakachvili serait maintenant de démissionner », a déclaré le milliardaire lors d'une conférence de presse à Tbilissi.

Aux yeux de l'analyste Lawrence Sheets, de l'International Crisis Group, la décision de M. Saakachvili de reconnaître sa défaite à une élection constitue « un développement monumental » dans ce petit pays du Caucase qui a connu dans le passé de nombreux épisodes violents.

« Il s'agit d'un événement sans précédent dans une ancienne république soviétique, à l'exception des pays baltes », a déclaré M. Sheets à l'AFP.

Les observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont indiqué que ces élections avaient constitué un « pas important » pour la démocratie.

De son côté, l'Union européenne a indiqué vouloir poursuivre sa « coopération étroite » avec la Géorgie et rester engagée vis-à-vis de Tbilissi « tant sur le plan de l'association politique que sur celui de l'intégration économique ».

OTAN, Russie et États-Unis

Le premier ministre russe, Dmitri Medvedev, a été l'un des premiers à l'étranger à saluer mardi la victoire de l'opposition en Géorgie : « Il y aura des forces plus constructives et plus responsables au Parlement », a-t-il déclaré, cité par l'agence russe Ria-Novosti.

Après le dépouillement des bulletins dans 35,16 % des bureaux de vote pour les 77 sièges sur 150 répartis à la proportionnelle, le Rêve géorgien recueille 53,15 % des voix contre 41,6 % pour le parti de M. Saakachvili, selon la Commission électorale.

La répartition des sièges dépend cependant d'un système électoral mixte qui accorde aussi 73 sièges au scrutin majoritaire, pour lesquels, selon de premiers résultats partiels, le Rêve géorgien est en tête dans sept des 10 circonscriptions dans la capitale Tbilissi, un bastion traditionnel de l'opposition.

La participation a été de 61 %, selon les chiffres officiels.

Dans l'assemblée sortante élue en 2008, le parti de M. Saakachvili détenait 119 sièges sur 150.

Ces élections étaient cruciales pour le chef de l'État alors que des changements dans la Constitution vont accroître les pouvoirs du Parlement et du premier ministre en 2013, année qui marquera la fin du second et dernier mandat possible de M. Saakachvili.

Son arrivée au pouvoir en 2003 avait été fondée sur la promesse de la démocratie, mais elle avait été mise à mal par la suite par des accusations d'autoritarisme lancées par l'opposition.

La diffusion ces dernières semaines de vidéos de scènes de torture de détenus dans une prison de Tbilissi avait écorné encore un peu l'image du pouvoir qui avait réagi en nommant un défenseur des droits de l'homme à la tête des services pénitentiaires. Mais le scandale avait donné lieu à des manifestations dans le pays.

M. Ivanichvili a aussi accusé le président Saakachvili d'avoir déclenché la guerre avec la Russie de l'été 2008 qui a mené à la perte de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie, deux territoires sécessionnistes où Moscou a depuis lors maintenu des troupes.

M. Saakachvili a en retour accusé son rival, qui a fait fortune en Russie dans les années 1990, de faire le jeu de Moscou.

En abordant ses priorités en matière de politique étrangère, M. Ivanichvili a indiqué que la Géorgie entendait améliorer ses relations - aujourd'hui exécrables - avec la Russie voisine et rejoindre l'OTAN, une ambition vue d'un mauvais oeil par Moscou, et conserver aussi de bonnes relations avec son allié américain.