Le procès de l'ancien majordome personnel de Benoît XVI, mis en cause dans la retentissante affaire du «Vatileaks», s'est ouvert samedi devant un tribunal du Vatican. Paolo Gabriele doit répondre du vol de documents confidentiels dans les appartements privés du pape, à l'origine de fuites révélant des secrets du Saint-Siège.

Le procès est ouvert au public, même si l'accès dans la petite salle d'audience du tribunal du Vatican a été limité -huit des 18 places étant occupées par des journalistes, tandis que caméras, appareils-photos et magnétophones sont interdits.

Lors de cette première audience, les trois juges du tribunal ont invalidé certaines preuves réunies lors de l'enquête contre Paolo Gabriele. Les trois magistrats ont également décidé de disjoindre le cas de Claudio Sciarpelletti, poursuivi pour complicité. Informaticien, cet employé de la secrétairerie d'État, le gouvernement du Saint-Siège, comparaîtra séparément, lors d'un procès dont la date n'a pas été précisée dans l'immédiat. Il est soupçonné d'avoir fourni de l'aide Paolo Gabriele mais son rôle est considéré comme secondaire par l'instruction.

Paolo Gabriele, un laïc de 46 ans, père de trois enfants, est jugé pour vol aggravé. Ce chef d'accusation est passible d'une peine maximale de quatre ans d'emprisonnement s'il est reconnu coupable par le tribunal de trois magistrats, des laïcs sans rapport direct avec l'Église. Mais le porte-parole du Vatican, Mgr Federico Lombardi, a expliqué qu'une grâce papale était probable.

Paolo Gabriele sera entendu lors de la prochaine audience, fixée à mardi par le président du tribunal, Giuseppe Dalla Torre. Ce dernier a estimé que quatre audiences supplémentaires devraient suffire à boucler le procès.

Samedi, le tribunal a annoncé que Mgr Goerg Gänswein serait entendu comme témoin lors du procès. Son témoignage devrait susciter d'autant plus d'attention que le secrétaire particulier du pape ne s'exprime que rarement en public. Parmi les témoins cités, figurent également l'une des quatre religieuses qui s'occupent des appartements pontificaux, un membre du secrétariat d'État, le numéro deux des Gardes suisses et le chef de la force de police vaticane.

Lors des deux heures et quart d'audience, Paolo Gabriele est apparu calme, mais tendu, assis seul et impassible sur un ban de l'austère salle d'audience. Lors d'une interruption, il a discuté avec son avocate Cristiana Arru et salué les journalistes par un sourire et un hochement de tête en entrant et sortant de la salle.

L'ex-majordome était au service de Benoît XVI depuis 2006. Il accompagnait le souverain pontife dans ses déplacements du lever au coucher, servait ses repas et l'aidait à se vêtir. Il a été arrêté le 23 mai à son domicile au Vatican, en possession selon les enquêteurs d'une «montagne de documents» confidentiels.

Il est soupçonné d'avoir dérobé puis photocopié différents écrits exposant au grand jour des querelles intestines, des luttes de pouvoir sans merci, mais aussi des faits de corruption présumés au plus haut niveau du Saint-Siège. Les fuites, depuis plusieurs mois, alimentaient la presse italienne.

Assigné à résidence depuis le 21 juillet après avoir été incarcéré au Vatican, Paolo Gabriele a reconnu pendant l'instruction avoir transmis les documents volés au journaliste Gianluigi Nuzzi, dont le libre «Sa Sainteté. Les documents secrets de Benoît XVI», sorti en mai, a fait grand bruit. L'ouvrage contient nombre des documents dérobés, dont une série de lettres et mémos confidentiels destinés au pape lui-même ou écrits de sa main et celle de son secrétaire particulier, Mgr Georg Gänswein.

Gianluigi Nuzzi a dit que sa source, surnommée «Maria» dans le livre, voulait lever le voile sur des secrets qui portaient atteinte à l'Église catholique. Samedi, il a souhaité sur Twitter «bonne chance» au «courageux Paoletto», le surnom que Benoît XVI employait pour son majordome.

D'après le procureur Nicola Picardi, Paolo Gabriele a expliqué lors d'un interrogatoire, début juin, vouloir dénoncer «le mal et la corruption» au sein de l'Église. Mû selon ses dires par l'Esprit Saint, il se disait «certain qu'un choc, même médiatique, serait salutaire pour ramener l'église sur le droit chemin».

Dans leur ensemble, les documents semblent essentiellement destinés à discréditer le cardinal Tarcisio Bertone, secrétaire d'État du Saint-Siège, fidèle bras droit de Benoît XVI. Âgé de 77 ans, le numéro deux du Vatican a été fréquemment critiqué pour de supposés manquements dans la gouvernance du Saint-Siège.D'après le porte-parole du Vatican, le père Federico Lombardi, le juge d'instruction, Piero Antonio Bonnet, n'a pas fait figurer dans l'ordonnance de renvoi la question des faits présumés de corruption. L'enquête n'est pas terminée, selon Mgr Lombardi et d'autres développements ne sont pas exclus.

Selon Marco Politi, correspondant au Vatican du journal «Il Fatto quotidiano», ce procès est «sans précédent depuis 200 ans, car il ne s'était jamais trouvé de traître dans le cercle rapproché du pape». «Même aux pires moments de la Guerre Froide, quand la CIA et le KGB ont tenté de placer leurs espions au sein du Vatican, il n'est jamais arrivé», note-t-il, qu'un membre du très proche entourage papal «divulgue des documents secrets à l'opinion publique».