Le Conseil consultatif pour les droits de l'homme auprès du Kremlin a présenté mercredi un rapport recommandant l'annulation de la condamnation en 2010 de l'ex-magnat pétrolier et détracteur du régime russe Mikhaïl Khodorkovski, évoquant une possible «erreur judiciaire».

Dans ce document, qui doit être remis au président Dmitri Medvedev, le Conseil juge «nécessaire de demander au procureur général la révision du jugement dans cette affaire afin de le faire annuler», selon le site du conseil, président-sovet.ru.

Cette instance, dont les conclusions n'ont pas de force juridique, recommande aussi au Comité d'enquête de Russie -principal organe responsable des enquêtes criminelles dans le pays- de rouvrir le dossier Khodorkovski, de nouveaux éléments montrant qu'il pourrait s'agir d'une «erreur judiciaire».

Le rapport de quelque 400 pages relève notamment des «violations fondamentales lors des débats judiciaires» durant le procès en 2010 de Mikhaïl Khodorkovski et de son principal associé Platon Lebedev.

Il relève des violations de la Constitution russe, du code pénal et du code de procédure pénale, de la jurisprudence de la Cour suprême et de la Convention européenne des droits de l'homme.

Tamara Morchtchakova, membre du groupe d'experts russes, européens et américains mandaté par le Conseil pour faire cette analyse du dossier, a souligné que lors du procès des deux hommes «le principe de la présomption d'innocence avait été grossièrement violé».

«Les condamnés n'ont pas commis d'actions constituant un crime», a encore estimé cette ancienne juge à la Cour constitutionnelle.

«Les politiques, y compris ceux qui occupent les plus hautes fonctions, n'ont maintenant plus la possibilité de faire comme si de rien n'était et de mentir sur l'affaire Khodorkovski et Lebedev», a estimé Vadim Kliouvgant, un des avocats de l'ex-patron pétrolier, selon la radio indépendante Écho de Moscou.

Les deux hommes, emprisonnés depuis 2003 et déjà reconnus coupables dans un premier procès en 2005 pour escroquerie, ont été condamnés en décembre 2010 pour vol de pétrole et blanchiment d'argent. Ce jugement a été confirmé en appel et la peine de prison des deux prévenus a été prolongée jusqu'en 2016.

Tout au long du second procès, les avocats de la défense et des analystes ont souligné que les faits reprochés à MM. Khodorkovski et Lebedev étaient soit dénués de fondement juridique, soit étaient les mêmes que ceux pour lesquels ils avaient déjà été condamnés en 2005 à huit ans de prison.

À la lumière de ce dossier, le Conseil pour les droits de l'homme auprès du président russe estime aussi nécessaire de revoir les règles de la libération anticipée, relevant que les deux hommes n'en ont pas bénéficié en raison d'infractions mineures qu'ils auraient commises durant leur détention.

Le rapport estime aussi que l'affaire Khodorkovski n'est pas une exception et que dès lors la Russie doit procéder à une vaste «amnistie» pour les personnes condamnées pour des crimes économiques en raison «du grand nombre de faits prouvant que ses poursuites pénales n'étaient pas justifiées».

La plupart des observateurs imputent les déboires judiciaires de M. Khodorkovski, ex-patron du géant pétrolier Ioukos et détracteur du régime russe, à l'homme fort du pays, Vladimir Poutine, qui voyait d'un mauvais oeil l'activisme politique et social grandissant du puissant homme d'affaires en faveur de l'opposition.