Des manifestations antigouvernementales et contre l'austérité ont perturbé vendredi en Grèce les traditionnels défilés de la fête nationale, au lendemain d'un accord européen qui a allégé la dette du pays en échange d'un contrôle accru de ses créanciers sur son budget.

Aux cris de «traîtres, traîtres», des milliers de manifestants ont empêché le défilé militaire annuel du 28 octobre à Salonique (nord), contraignant le président de la République Carolos Papoulias à quitter les lieux, a constaté un journaliste de l'AFP.

«Je suis désolé. Ils devraient avoir honte. Je ne veux pas partir, mais certains ont vraiment envie que cet événement soit annulé» a déclaré à la presse le président Papoulias.

Les manifestants ont bloqué la voie sur laquelle devait avoir lieu le défilé, en lançant des bouteilles d'eau et des oeufs en direction de la tribune officielle, a indiqué une source policière à l'AFP.

Selon l'agence de presse grecque ANA, c'est la première fois en 71 ans que ce défilé a été annulé. Le 28 octobre, surnommé «journée du non», marque l'entrée de la Grèce dans la Seconde Guerre mondiale le 28 octobre 1940, et symbolise la résistance des Grecs aux troupes italiennes de Mussolini.

Le président Papoulias, 82 ans, lui-même actif dans la résistance antinazie alors qu'il était adolescent, a peu apprécié d'être qualifié de «traître».

«Nous devons nous serrer les coudes, surmonter cette crise et nettoyer notre maison pour la laisser en bon état à nos enfants» a-t-il dit aux médias, en faisant allusion à l'accord conclu vendredi à l'aube à Bruxelles, qui accorde une annulation d'une partie de sa dette à la Grèce et une nouvelle bouée de secours financière, en échange d'une poursuite de ses efforts de rigueur et d'un renforcement du contrôle par la zone euro sur son budget national.

À Athènes, une parade d'étudiants, traditionnelle chaque 28 octobre, a également dégénéré. Des bousculades avec les forces de l'ordre ont eu lieu devant le Parlement, a constaté une photographe de l'AFP.

En signe de deuil, certains musiciens de l'orchestre municipal avaient orné leurs instruments de rubans noirs.

Faisant un lien entre la politique d'austérité imposée en Grèce par les créanciers du pays (UE-FMI-BCE) et la période d'occupation nazie, une banderole de manifestants portait l'expression «arbeit macht frei» (le travail rend libre), apposée sur l'entrée du camp de concentration nazi d'Auschwitz (Pologne).

Dans le reste de la Grèce, les défilés ont également été perturbés par des manifestants ont rapporté les médias, notamment à Héralkion (Crète), Rhodes, Patras, Kalamata, Trakala et Nauplie, dans un climat de tension avec les forces de l'ordre.

Dans un communiqué, le premier ministre Georges Papandréou a fustigé les «autocrates» qui «essaient d'imposer leurs opinions en interrompant les parades», et sont, selon lui, «responsables d'atteintes aux traditions démocratiques du pays».

Mercredi, le ministre de la Défense, Panos Beglitis, avait déjà été pris à partie à Salonique par un groupe de manifestants.

En revanche, les propos du président français Nicolas Sarkozy jeudi soir, selon lequel «la Grèce n'aurait pas dû être admise dans l'union monétaire» n'ont suscité aucun débat.

«Ce fut une erreur, car la Grèce est rentrée avec des chiffres qui étaient faux (...) elle n'était pas prête», a affirmé M. Sarkozy.

Au gouvernement, aucune réaction officielle n'a pu être obtenue.

Seul un député socialiste, Spyros Kouvelis, a réagi en estimant que les propos de M. Sarkozy traduisaient surtout «l'angoisse d'un président en vue des élections». «Certes, l'économie grecque a du chemin à parcourir pour devenir compétitive dans l'Union européenne, mais placer la responsabilité de tout ce qui s'est passé au cours des deux dernières années en Europe sur un petit pays de 10 millions d'habitants, c'est trop», a-t-il dit à l'AFP.