Ils n'ont pas envie de voter pour Sarkozy, ni pour aucun des candidats du Parti socialiste, ni pour aucun autre, qu'il soit de gauche ou de droite ou du centre. Ils n'en ont pas contre le système démocratique, mais contre le choix qu'on leur propose. Aux prochaines présidentielles françaises, ils comptent quand même se présenter aux bureaux de vote. Pour voter blanc.

Voter blanc, pour l'auteur et humoriste français Bruno Gaccio (un ancien de l'émission satyrique des Guignols de l'info) et l'avocate Marie Naudet, c'est d'abord prendre la peine de se déplacer le jour du vote pour faire entendre sa voix: celle qui dit qu'aucun des candidats en lice n'est satisfaisant.

Or, le vote blanc en France - comme ici - se comptabilise avec tous les autres bulletins rejetés parce qu'ils ont été raturés illégalement ou déchirés. D'où la campagne menée par les deux auteurs pour faire reconnaître distinctement le vote blanc des votes nuls.

«Vous vous déplacez, vous votez, mais votre bulletin est mélangé avec ceux où l'on a marqué des insanités ou qui sont déchirés. Alors que philosophiquement, ce n'est pas la même chose», explique en entrevue avec La Presse Marie Naudet, coauteure du livre Blanc c'est pas nul, lancé en France ce mois-ci.

«Il s'agit de rendre visibles des gens invisibles», renchérissait son acolyte Gaccio au quotidien France-Soir. «Il faut distinguer ceux qui n'approuvent pas l'offre politique proposée des»je-m'en-foutistes», de ceux qui ont raté leur train ou qui rejettent le système en s'abstenant.»

Les deux auteurs réclament que les votes blancs soient désormais visibles. Ils ne sont pas les premiers à le faire: une trentaine de propositions de loi, dont quatre cette année, ont été déposées au fil des ans à l'Assemblée nationale. Le problème avec ces propositions, disent les coauteurs, est qu'on réclame que le vote blanc soit reconnu comme suffrage exprimé. Or, si le vote blanc est suffisamment important lors d'un scrutin, il empêcherait un candidat d'obtenir une majorité et un nouveau scrutin devrait être organisé.

«Vote complémentaire»

Si les votes blancs sont comptabilisés à part du suffrage exprimé, ils n'empêcheraient pas la désignation d'un vainqueur. «Il y aura peut-être 2%, ou 10% des gens qui montreraient qu'ils ne sont pas d'accord avec le choix proposé. Ça n'empêcherait pas qu'un candidat soit désigné, mais il le sera en sachant combien de personnes n'étaient pas d'accord, dit Marie Naudet. Le vote blanc doit être vu comme un vote complémentaire, et pas contestataire. On n'est pas contre le système, on est contre le choix.»

Une nouvelle proposition de loi sera présentée cet automne par un député socialiste, qui s'est inspiré de celle des auteurs Gaccio et Naudet. Plusieurs personnalités politiques françaises, du centriste Jean-Louis Borloo à la droite de l'UMP (parti au pouvoir) en passant par le candidat aux primaires socialistes François Hollande, ont signifié leur appui à la proposition. Si leurs appuis se confirment à l'occasion du vote de la proposition en novembre, les «blancs» auront une voix pour les élections présidentielles de l'an prochain.

En entrevue récemment, Bruno Gaccio - réputé pour sa proximité avec les socialistes - a notamment indiqué qu'il aurait voté blanc si Dominique Strauss-Khan s'était présenté aux élections, parce qu'il n'était pas d'accord avec sa politique économique. Marie Naudet, quant à elle, aurait fait la même chose. «Mais pour d'autres raisons...»

Monde blanc

La Suède est l'un des rares pays à distinguer les votes blancs des bulletins nuls. D'autres pays, comme aux États-Unis, on offre la possibilité cocher une case «aucun de ces candidats» sur le bulletin de vote. Au Canada, un Néo-Écossais a lancé une campagne en prévision des dernières élections pour demander aux Canadiens de voter blanc en vue d'obtenir «une réforme du système politique». Selon Élections Canada, il y a eu 99 428 bulletins de vote rejetés (0,7%) aux dernières élections fédérales.