L'Ukraine espère un rapprochement avec l'UE, mais les conditions dictées par les Européens mettent le président Viktor Ianoukovitch dans une position délicate, car il pourrait se trouver forcé de libérer sa redoutable adversaire, Ioulia Timochenko.

Préoccupée depuis longtemps par le dossier de l'ex-première ministre, incarcérée depuis août et jugée depuis juin pour abus de pouvoir, l'Union européenne a haussé le ton samedi en conditionnant un accord d'association avec l'Ukraine à une solution respectueuse des principes démocratiques dans l'affaire Timochenko.

«Si elle est condamnée à de la prison sur la base d'une législation qui date de l'époque soviétique, ce sera problématique», a prévenu vendredi le Commissaire européen à l'Élargissement Stefan Füle à Yalta (sud), après s'être entretenu pendant plus de deux heures avec M. Ianoukovitch.

Ioulia Timochenko est accusée d'avoir signé en 2009, sans l'autorisation du gouvernement qu'elle dirigeait, des accords gaziers avec la Russie défavorables à son pays. Elle risque 10 ans de prison.

Certaines voix en Europe reprennent ouvertement la thèse de l'opposante, selon laquelle ces poursuites n'ont qu'un objectif: écarter la principale concurrente du président.

«Nous avons le sentiment qu'il y a une énorme motivation politique dans son cas (...) Nous sommes très chagrinés de voir l'Ukraine dans une telle situation», a dit au chef de l'État ukrainien l'eurodéputé Mario David.

Or Kiev compte beaucoup sur les retombées économiques et politiques de l'accord d'association, dont la signature est prévue en décembre, M. Ianoukovitch ayant épousé cette stratégie après s'être longtemps fait l'avocat d'un rapprochement avec Moscou.

Les autorités ukrainiennes sont désormais au pied du mur, selon des analystes. Le gouvernement n'a pas trouvé d'oreille compatissante lorsqu'il minimisait les critiques européennes et justifiait les poursuites contre Mme Timochenko.

Ainsi, selon les journaux et les observateurs, le procès de l'opposante a été suspendu lundi pour au moins deux semaines pour permettre aux autorités de trouver une porte de sortie honorable.

«Ils ont commencé à se rendre compte» de la gravité de la situation, a déclaré à l'AFP un diplomate européen sous le couvert de l'anonymat.

«Début septembre, la condamnation de Timochenko à de la prison était pratiquement acquise, maintenant, ils hésitent», renchérit l'analyste Volodymyr Fessenko.

D'autant que les pressions européennes se sont multipliées au moment où l'Ukraine est engagée dans un bras de fer avec Moscou sur le prix du gaz russe.

«Ils commencent à comprendre qu'une guerre sur deux fronts, à la fois avec la Russie et l'Occident, c'est très risqué», relève M. Fessenko, directeur du Centre de recherches politiques Penta.

Or M. Ianoukovitch a déjà rejeté toute alliance avec la Russie, qui lui proposait des avantages gaziers si l'Ukraine intégrait l'Union douanière Russie-Bélarus-Kazakhstan.

Il pourrait donc être obligé de laisser Mme Timochenko, redoutable adversaire politique, revenir sur le devant de la scène juste à temps pour les législatives de 2012.

«J'ai été encouragé par le président qui a montré une compréhension totale de la complexité de ce problème (...) et la volonté de trouver une solution», a ainsi assuré samedi le commissaire européen Stefan Füle.

Le pouvoir «est en train de chercher une formule pour sortir de cette situation tout en sauvant la face», explique M. Fessenko.

Une solution passerait par une réforme du Code pénal pour que Mme Timochenko ne soit plus passible de prison. Un texte en ce sens pourrait être soumis au Parlement dès la semaine prochaine, a indiqué à l'AFP Grygori Nemyria, un proche de l'opposante.

«Si la majorité présidentielle soutient cette décision, cela montrera qu'ils ont bien compris» le message des Européens, a-t-il dit.