Le dernier dirigeant soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, a confié lundi qu'il n'avait pas pris au sérieux les avertissements des États-Unis sur un putsch en préparation contre lui en 1991, qui a porté un coup fatal à l'URSS, dont le père de la perestroïka se dit nostalgique.

Dans un entretien fleuve publié par le quotidien Rossiïskaïa Gazeta à quelques jours du 20e anniversaire du coup d'État manqué des conservateurs soviétiques du 19 août 1991, M. Gorbatchev a été interrogé sur les rumeurs selon lesquelles les États-Unis l'avaient prévenu deux mois avant les évènements, lui révélant même les noms des putschistes.

«Bush m'a appelé. Il tenait cette information du maire de Moscou, Gavriil Popov», a indiqué le père de la perestroïka.

«Je pensais qu'il fallait être idiot pour jouer son va-tout (...) Mais malheureusement c'étaient des idiots», a-t-il poursuivi, évoquant les putschistes, qui avaient tenté alors de prendre le pouvoir par la force, au moment où le président soviétique était en vacances en Crimée.

«Et nous, nous étions des semi-idiots, y compris moi-même. J'étais épuisé. Je n'aurais pas dû partir en vacances. C'était une erreur», a reconnu M. Gorbatchev.

Soutenus par le chef du KGB, Vladimir Krioutchkov, et le ministre de la Défense, Dmitri Iazov, les putschistes avaient assuré que le président était «incapable d'assumer ses fonctions pour raisons de santé».

Ils ont alors proclamé l'état d'urgence pour six mois, le rétablissement de la censure et ont fait entrer les chars à Moscou.

Le coup a échoué et les putschistes ont été arrêtés trois jours plus tard, mais ces événements ont scellé le sort de l'Union soviétique, affaiblie par les tendances autonomistes dans les républiques et qui sera finalement dissoute en décembre 1991.

Vingt ans plus tard, les circonstances du putsch restent néanmoins en partie troubles, notamment concernant le rôle de Mikhaïl Gorbatchev.

Selon des conseillers de Boris Eltsine, président de la république soviétique de Russie à l'époque, M. Gorbatchev n'avait pas écarté l'idée d'instaurer l'état d'urgence avant la dislocation de l'URSS, se rendant ainsi complice des putschistes. Des accusations que le père de la perestroïka a toujours démenties.

M. Gorbatchev a par ailleurs regretté dans cette interview avoir permis l'assension au pouvoir de Boris Eltsine, son ennemi juré, décédé en 2007.

C'est Eltsine qui fut le héros de la résistance au putsch manqué, se hissant sur un char et appelant les habitants à la désobéissance civile.

«Il aimait le pouvoir, il était irascible et ambitieux (...) J'aurais dû l'envoyer ambassadeur dans une république bananière pour qu'il y fume le narguilé», a lancé M. Gorbatchev, évoquant celui qui deviendra le premier président russe de l'ère post-soviétique.

Mal-aimé des Russes qui lui reprochent la chute de l'empire, Mikhaïl Gorbatchev se dit lui-même nostalgique de l'URSS, «où tout se mélangeait, la culture, l'éducation, les langues, l'économie».

«On assemblait des voitures dans les pays baltes, des avions en Ukraine, (aujourd'hui) nous ne pouvons toujours pas nous passer les uns des autres», a-t-il estimé. «Et une population de 300 millions (d'habitants), c'était un point positif».