Le chef d'état-major turc ainsi que les commandants des armées de terre, air et mer ont démissionné sur fond de désaccord avec le gouvernement islamo-conservateur sur la promotion de militaires de haut rang incarcérés dans des affaires de conspiration.

On ignorait encore la raison officielle de ce départ collectif, mais les médias turcs ont évoqué des tensions entre la direction militaire et le gouvernement du premier ministre Recep Tayyip Erdogan.

Les divergences porteraient sur la promotion de généraux incarcérés pour implication supposée dans des complots antigouvernementaux.

L'armée turque, autrefois intouchable, est devenue la cible de plusieurs critiques, dont celle de complot présumé visant à renverser le gouvernement de M. Erdogan, dont le parti de la justice et du développement (AKP) est issu de la mouvance islamiste.

Le gouvernement n'avait pas réagi à ces départs collectifs en début de soirée.

Depuis 1960, l'armée turque a renversé quatre gouvernements, dont celui, en 1997, de l'islamiste Necmettin Erbakan, mentor de l'actuel Premier ministre.

Plusieurs réunions se sont déroulées ces derniers jours entre le chef d'état-major, le général Isik Kosaner, et M. Erdogan avant une réunion la semaine prochaine du Conseil militaire suprême (YAS) qui décide des nominations dans la hiérarchie militaire.

Outre le général Kosaner, les commandants des armées de terre, air et mer ont quitté leur poste, ce qui constitue une première en Turquie, pays membre de l'OTAN, ont indiqué les chaînes d'information NTV et CNN-Türk.

L'agence semi-officielle Anatolie a précisé de son côté que le chef d'état-major et ses commandants avaient demandé leur départ à la retraite.

Quarante-deux généraux et plusieurs dizaines d'officiers d'active ou à la retraite sont actuellement incarcérés dans le cadre de divers complots présumés visant à renverser le gouvernement du parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir depuis 2002.

L'armée souhaiterait que ces militaires puissent a priori bénéficier d'une promotion, même s'ils sont en prison dans l'attente de la fin de leur procès, tandis que le gouvernement voudrait qu'ils partent en retraite.

Parmi eux se trouve un général quatre étoiles qui était censé devenir le prochain commandant de l'aviation.

La décision des généraux de quitter leur poste est hautement symbolique en Turquie où l'armée a été affaiblie depuis 2007 avec le lancement de plusieurs enquêtes sur des projets de complots qui auraient visé à déstabiliser le gouvernement par le biais d'un coup d'État militaire.

L'arrivée en 2002 au gouvernement de l'AKP, qui a remporté les élections législatives et juin dernier et parti pour une troisième législature d'affilée, avait fait redouter à une partie de l'opinion et à l'armée une remise en cause de la laïcité.

Le général Kosaner avait été nommé pour trois ans en 2010 à ce poste. Les trois autres commandants devaient, selon la tradition militaire, partir le mois prochain à la retraite.

L'an dernier, s'appuyant sur l'offensive judiciaire anti-complot, les membres civils du YAS, en particulier le premier ministre, avaient bousculé la routine habituelle des promotions.

Sans aller jusqu'à imposer leurs choix aux militaires, ils avaient refusé de promouvoir ceux d'entre eux qui sont impliqués dans des affaires de complot, ce qui avait entraîné un retard très inhabituel dans la nomination du chef d'état-major actuel.

L'AKP s'est confronté à plusieurs reprises à l'armée turque depuis qu'il a pris les rênes du pays dans le but de vouloir réduire son influence dans la vie politique et à chaque fois réussi à remporter la bataille.