On croyait le tueur caché en Belgique. Mais dans la nuit de lundi à hier, l'homme soupçonné d'avoir tué la journaliste russe Anna Politkovskaïa a été arrêté dans la maison de ses parents, en Tchétchénie. Si Roustam Makhmoudov est jugé et reconnu coupable, il ne demeurera que l'exécutant d'un meurtre dont le commanditaire reste à ce jour inconnu. Comme ceux de la cinquantaine d'autres assassinats de journalistes en Russie depuis deux décennies, tous impunis. Quatre mots pour comprendre l'affaire Politkovskaïa.

Enquêtes

Anna Politkovskaïa, 48 ans, a été assassinée par balle le 7 octobre 2006 à Moscou, dans l'ascenseur de son immeuble. Elle était réputée pour ses grandes enquêtes, publiées dans le journal d'opposition Novaïa Gazeta. Elle y dénonçait sans relâche les violations des droits de l'homme en Tchétchénie, la corruption et les abus du régime de Vladimir Poutine. Boudée par les télévisions étatiques, elle était mieux connue à l'étranger qu'en son propre pays.

Cavale

Depuis près de cinq ans, le Tchétchène Roustam Makhmoudov fuyait la justice. Grâce à un faux passeport russe, il avait réussi à quitter le pays à la fin de 2007. Selon les autorités russes, il aurait passé la majeure partie de son exil à Liège, en Belgique, où se trouve une grande communauté de réfugiés tchétchènes. Las de fuir et sentant son arrestation imminente, il aurait préféré retourner en Tchétchénie pour se livrer à la police mais a été interpellé avant, selon l'avocat de l'un de ses frères.

Frères

Deux des frères de Roustam Makhmoudov ont déjà été jugés pour complicité dans ce meurtre. En février 2009, Ibraguim et Djabraïl ont été innocentés, mais la décision de la Cour a bientôt été annulée. Ils sont actuellement en liberté, mais toujours soupçonnés. Ils devraient se retrouver sur le banc des accusés avec leur frère Roustam dans l'éventualité d'un nouveau procès.

Commanditaire

«Même si on établit que c'est lui (le tueur), on n'aura toujours pas le nom du commanditaire», a dit hier Ilia Politkovski, le fils d'Anna Politkovskaïa, à l'annonce de l'arrestation de Roustam Makhmoudov. Selon lui, le meurtre aurait pu être commandé par des agents des services de sécurité russes. Le nom du président tchétchène, Ramzan Kadyrov, que la journaliste avait durement critiqué, figure aussi parmi la liste des suspects officieux. En 2008, le Comité d'enquête a toutefois annoncé que le commanditaire était Boris Berezovski, opposant au régime Poutine, en exil à Londres. Une accusation farfelue, selon la famille et les collègues de Politkovskaïa, qui y voient une manoeuvre politique.