Le procès du «Rubygate», le plus difficile que Silvio Berlusconi ait eu à affronter car il y est accusé de recours à la prostitution de mineure, s'est ouvert mercredi à Milan en son absence, mais l'examen de l'affaire a été aussitôt reporté au 31 mai.

L'audience éclair -moins de 10 minutes- a eu lieu dans la plus grande salle du tribunal de Milan, où s'étaient déroulés des procès de membres de la mafia, et remplie d'une centaine de journalistes du monde entier. Une poignée de manifestants favorables ou opposés à M. Berlusconi étaient rassemblés à l'extérieur. L'accès au palais de justice et à la salle était interdit aux photographes et télévisions.

Très attendue après des mois de révélations sulfureuses sur des soirées osées chez le Cavaliere, cette session technique a été consacrée à la constitution des parties civiles et à fixer une nouvelle audience pour le 31 mai.

Ni M. Berlusconi, ni ses principaux avocats retenus à Rome pour des sessions parlementaires, ni la protagoniste de l'affaire, la jeune Marocaine dite Ruby, n'étaient présents.

Dans une lettre remise par un de ses avocats au tribunal, le Cavaliere a affirmé qu'il aurait voulu «participer» à l'audience, mais qu'il avait des «engagements institutionnels» à Rome.

Karima El Mahroug, alias «Ruby la voleuse de coeurs», considérée par l'accusation comme victime, a décidé de ne pas se constituer partie civile, a indiqué son avocate. «Cela contredirait ce qu'elle a toujours affirmé, à savoir qu'elle n'a jamais eu de relations sexuelles avec le président du Conseil», a dit à l'AFP Me Paola Boccardi.

L'un des avocats de M. Berlusconi, Giorgio Perroni, s'est d'ailleurs félicité que «personne parmi les «victimes» ne (se soit) constitué partie civile pas même le fonctionnaire» de la préfecture de Milan sur lequel M. Berlusconi aurait fait pression.

Pour le Cavaliere, habitué des tribunaux, ce procès est le plus difficile «pas du point de vue de la sanction éventuelle, mais sur le plan de l'image», selon Antonio Padellaro, directeur de la rédaction d'Il Fatto Quotidiano, qui avait révélé l'affaire en octobre.

Et ironie du sort, après que le «Rubygate» a amené près d'un million d'Italiennes à descendre dans la rue en février pour défendre la dignité des femmes, M. Berlusconi est jugé par trois magistrates.

L'organisation féministe Arcidonna a d'ailleurs décidé mercredi de se constituer partie civile.

Le Cavaliere, âgé de 74 ans, est accusé d'avoir payé les prestations sexuelles de Ruby de février à mai 2010, alors qu'elle était mineure, un délit puni d'un maximum de trois ans de prison.

Il doit aussi comparaître pour abus de pouvoir après avoir fait libérer Ruby interpellée pour vol à Milan, fin mai, ce qui peut lui valoir jusqu'à 12 ans de prison.

M. Berlusconi, qui nie avoir eu des relations sexuelles avec Ruby, affirme être intervenu pour éviter une crise diplomatique car il pensait qu'elle était la nièce de l'ex-président égyptien Hosni Moubarak. Mais le parquet estime que c'était pour l'empêcher de faire des déclarations compromettantes.

Mardi, les députés italiens ont adopté une motion pour lui éviter le procès, en arguant qu'il doit être confié au «tribunal des ministres», collège de magistrats spécialement constitué. Un procès devant cette instance requerrait l'autorisation du parlement où M. Berlusconi dispose de la majorité.

Tout est parti de l'arrestation de Ruby : interrogée quatre fois l'été dernier par le parquet, Ruby a parlé de dîners dans la luxueuse villa du milliardaire à Arcore, près de Milan, dégénérant en parties fines «bunga-bunga». Une version confirmée par des dizaines de participantes dans des écoutes téléphoniques publiées par les médias, même si Ruby nie désormais que ces dîners aient fini en nuits de débauche.