La chancelière allemande Angela Merkel a annoncé mardi la fermeture immédiate, pour trois mois, des sept réacteurs nucléaires les plus anciens du pays, après l'accident nucléaire au Japon.

«Nous allons engager un examen de la sécurité de toutes les centrales nucléaires», a expliqué la chancelière à l'issue d'une nouvelle réunion de crise, avec les chefs de gouvernement des États régionaux où sont installés des réacteurs nucléaires.

Cet examen aura pour conséquence que «les réacteurs qui sont entrés en service avant la fin 1980 seront arrêtés pendant la durée du moratoire», soit jusqu'au 15 juin, a-t-elle ajouté. Sept réacteurs correspondent à ce critère. Le plus ancien devrait être définitivement mis à l'arrêt, a précisé le ministre de l'Environnement, Norbert Röttgen.

Dans la foulée de cette annonce, les valeurs énergétiques ont continué leur dégringolade de la veille à la Bourse de Francfort: à 12h00 GMT, EON affichait -4,76% et RWE -4,91% dans un marché en recul de 4,34%.

Face à des Allemands inquiets et à une écrasante majorité opposés à l'atome, la chef du gouvernement, physicienne de formation, avait annoncé lundi soir le gel pour trois mois du sursis accordé l'an dernier aux 17 réacteurs.

Le nucléaire représente 22% de la production d'électricité en Allemagne. Selon Greenpeace, les huit plus anciennes centrales n'en fournissent que 5%.

Selon un sondage de la chaîne publique ARD réalisé après les explosions dans la centrale nucléaire japonaise de Fukushima, 80% des Allemands se prononcent contre l'allongement de la durée de vie des centrales décidé à l'automne.

La chancelière, qui a annoncé vouloir s'exprimer solennellement devant les députés dans les prochains jours, devait agir vite en raison d'échéances électorales régionales de prime importance pour son camp conservateur. Dans moins de deux semaines, des millions d'électeurs sont appelés aux urnes dans le sud-ouest.

Dans son bastion du Bade-Wurtemberg - qui abrite plusieurs réacteurs -, la CDU, le parti d'Angela Merkel, est menacée de perdre sa suprématie après presque 60 ans aux affaires.

Six scrutins régionaux au total sont prévus d'ici à la fin de l'année. Un septième pourrait avoir lieu en Rhénanie du Nord-Westphalie où le gouvernement minoritaire est menacé.

La chancelière a insisté lundi soir sur le fait qu'il n'y avait «absolument aucun tabou» concernant l'avenir du nucléaire, tout en excluant de revenir définitivement sur la décision d'allonger de 12 ans en moyenne la durée de vie des centrales allemandes adoptée fin 2010.

L'opposition social-démocrate (SPD) et les Verts réclament un abandon définitif du nucléaire comme l'avait décidé en 2002 le chancelier SPD Gerhard Schröder. Angela Merkel était revenue en arrière à ce sujet l'an dernier.

Projet phare du camp conservateur-libéral depuis son accession au pouvoir à l'automne 2009, l'allongement de la durée de vie des centrales suscite l'hostilité des Allemands. Ils étaient encore plus de 100 000 à manifester lundi soir dans 450 villes du pays, selon les organisations antinucléaires, après un grand rassemblement samedi autour de Stuttgart, la capitale du Bade-Wurtemberg.

Émissions spéciales, journaux d'informations en continu, cahiers de dizaines de pages dans les journaux, la catastrophe japonaise était suivie par des millions d'Allemands anxieux.

La demande de compteurs Geiger, un instrument de mesure de la radioactivité, a augmenté depuis quelques jours tandis que des pharmacies ont signalé une demande accrue de pastilles d'iode, recommandées en cas d'accident nucléaire.

Aucun grand média allemand ne dispose d'envoyés spéciaux dans la région de la centrale de Fukushima, selon le quotidien Tagesspiegel.

La compagnie aérienne Lufthansa a annoncé mardi rerouter ses vols vers Tokyo sur Osaka et Nagoya.