Les Suisses sont appelés dimanche à se prononcer sur un durcissement des renvois de criminels étrangers, un vote à l'initiative de la droite populiste qui s'annonce serré un an après l'interdiction des minarets sur le territoire helvétique.

L'initiative populaire, soumise à la population en même temps qu'un vote destiné à instaurer un seuil minimum d'impôt pour les hauts revenus, a été lancée en 2007 par le premier parti helvétique, l'UDC (droite dure) qui fut également à l'origine de l'interdiction des minarets, acceptée à grand fracas en novembre 2009.

Avec le nouveau projet visant à retirer le droit de séjour des étrangers coupables de certaines infractions en Suisse, l'UDC poursuit «sur la même thématique» aux relents «xénophobes», a estimé le responsable du Parti socialiste genevois, René Longet.

Alors que le renvoi des criminels étrangers est déjà possible dans certaines conditions, le texte va plus loin en proposant un retrait automatique du droit de séjour des étrangers coupables notamment de «viol, délit sexuel grave, actes de violence tels que le brigandage», de «trafic de drogue» mais aussi d'«abus de l'aide sociale».

Pour l'ensemble des partis, le texte franchit une nouvelle fois la ligne rouge dans un pays qui compte 21,7% d'étrangers, en violant le droit international.

Ils pointent du doigt l'absence de prise en compte de la proportionnalité des délits et l'automaticité des renvois.

De fait, selon le texte, une femme de ménage étrangère faisant des heures supplémentaires au noir serait automatiquement boutée hors de Suisse au même titre qu'un violeur multirécidiviste, selon l'Office fédéral des migrations.

Amnesty International relève que des réfugiés «pourraient être renvoyés vers un pays où ils seraient menacés de torture ou de peine de mort». «C'est contraire au droit international impératif et... inadmissible. Il n'y a pas de raison qu'un criminel paye deux fois pour un même délit», selon un de ses responsables, Alain Bovard.

Décidé à éviter un nouveau tollé, pratiquement un an après l'affaire des minarets, le gouvernement a lancé un contre-projet qui prend en compte la gravité des délits et sur lequel les Suisses devront également voter.

Pour Amnesty comme le PS suisse, ce contre-projet n'est autre qu'une «version light» de l'initiative de l'UDC. Mais, explique le vice-président du PDC (Parti démocrate chrétien), Olivier de Buman, il a le mérite de répondre «aux peurs grandissantes face aux questions de sécurité».

De fait, les statistiques officielles relèvent que les condamnations sont en augmentation ces dernières années et impliquent de plus en plus d'étrangers, responsables de 59% des homicides en 2009.

Au ministère de la Justice et Police, on temporise toutefois en faisant valoir que le nombre d'homicides reste stable alors que la population étrangère ne cesse de grandir.

Pour le politologue de l'Université de Genève Pascal Sciarini, «la perception de l'insécurité a augmenté plus vite encore que la réalité». Quant à l'UDC, elle a surfé sur cette vague et «contribué à alimenter ce repli, à déplacer la ligne rouge de plus en plus vers un pôle de droite dure».

Au final, selon l'expert, «la Suisse est devenue plus conservatrice, nationaliste peut-être plus xénophobe qu'auparavant».

Ainsi, un sondage de l'institut gfs.bern donne le oui à l'initiative vainqueur à 54%.

Si cela se confirme, ce sera un nouveau coup dur pour l'image de la Suisse à l'étranger. Et un casse-tête pour le gouvernement qui se retrouvera en porte-à-faux entre le droit international et l'application d'un texte avalisé par les citoyens.