L'Église catholique belge, déjà secouée par des scandales de pédophilie, a déclenché à présent un tollé dans le pays après des déclarations de son chef assimilant l'épidémie de sida à une «sorte de justice immanente».

L'ensemble de la presse belge, les partis politiques de gauche comme de droite, des médecins et des associations homosexuelles ont dénoncé vendredi les propos que tient dans un livre l'archevêque de Malines-Bruxelles, André-Joseph Léonard, primat de Belgique depuis janvier et considéré comme très conservateur.

Ce livre d'entretiens avait été déjà publié dans une première version en français en 2006, alors que Mgr Léonard était évêque de Namur. Le prélat belge, proche du pape Benoît XVI, y fustigeait notamment l'interruption volontaire de grossesse, estimant que «95% des avortements pouvaient être qualifiés de convenance».

Dans une version «mise à jour» et traduite en néerlandais des entretiens, publiée jeudi, Mgr Léonard ne renie en rien ses propos. Ce qui a provoqué une nouvelle vague de protestations, alors que sa gestion des affaires de pédophilie dans l'Eglise belge, révélés ces derniers mois, a été déjà jugée inadéquate par le monde politique et des associations de victimes.

C'est en particulier un passage sur le sida qui provoque cette nouvelle levée de boucliers.

Rejetant l'idée que la maladie soit une «punition de Dieu», il la compare avec les désastres écologiques dus à l'action de l'homme.

«Quand on malmène l'environnement, il finit par nous malmener à son tour. Et quand on malmène l'amour humain, peut-être finit-il par se venger», déclare Mgr Léonard.

«Malmener la nature profonde de l'amour humain finit toujours par engendrer des catastrophes à tous niveaux», insiste-t-il. Son propre porte-parole a reconnu jeudi l'avoir mis en garde contre ce passage lors de la révision du texte en néerlandais.

«Avec de telles déclaration, il diabolise l'ensemble des malades du sida», a réagi vendredi l'association de défense des homosexuels Cavaria. «Puisqu'il rejette aussi les méthodes contraceptives, il est lui-même responsable pour chaque cas de victime du VIH», estime sa porte-parole, Mieke Stessens.

«Dire que les séropositifs l'ont bien mérité est inadmissible. Que dirait-il d'un enfant séropositif qui vient de naître?», s'est demandé le directeur de l'association Prévention sida, Thierry Martin.

Le parti libéral flamand Open VLD a qualifié ces déclarations «d'incompréhensibles, offensantes et insupportables» et réclamé une révision du financement de l'Eglise catholique belge, qui perçoit annuellement 85,9 millions d'euros d'argent public.

Les écologistes flamands et francophones ont demandé à «tous les parlementaires de condamner les propos nauséabonds de l'archevêque», tandis que la parlementaire du parti centriste CDH, proche des milieux catholiques, Catherine Fonck, a dénoncé une «doctrine d'un autre temps».

Le président du parti chrétien-démocrate flamand CD&V, Wouter Beke, s'est dit «fâché» et a pris ses distances avec l'Eglise.

La presse belge n'était pas en reste. Le quotidien d'inspiration catholique La Libre Belgique juge les déclarations de Mgr Léonard «inadmissibles». Le journal flamand de gauche «De Morgen» les qualifie d'«homophobes».

Le primat de Belgique devait s'expliquer devant la presse vendredi à 14H00.

Mgr Leonard n'en est pas à sa première polémique sur les sujets de société. En 2007, il avait douté de l'effecacité du préservatif comme moyen de protection, assurant que celui-ci n'est «fiable qu'à 90 ou 95%» et qu'y recourir s'apparentait à jouer à la «roulette russe».