Dans la banlieue de Moscou, le combat de riverains qui luttent en vain pour un coin de forêt menacé par une nouvelle autoroute, a tourné à la violence avec l'attaque en règle de l'administration locale par des centaines de jeunes gens.

Une association d'habitants de Khimki, une banlieue du nord-ouest de la capitale russe, tente depuis trois ans d'obtenir la révision d'un projet qu'elle dit empreint d'illégalité au profit d'intérêts privés.

Malgré la multiplication des manifestations, lettres ouvertes, pétitions, et l'installation d'un campement dans la forêt pour empêcher les travaux, ces Russes dont le combat local a réveillé la mobilisation citoyenne ne sont jusqu'à présent parvenus à rien. Les travaux ont commencé.

Mercredi soir, plus de 500 jeunes gens se réclamant de mouvements anarchistes et antifascistes, selon des médias russes, ont attaqué la mairie de Khimki.

Venus de Moscou, pour certains le visage masqué, ils ont pris pour cible le bâtiment, brisant les vitres ou lançant des fumigènes, et des coups de feu ont retenti, selon des images placées sur l'Internet et reprises par la chaîne de télévision russe NTV. «Sauvons la forêt russe !», ont-ils écrit sur les murs du bâtiment avant de prendre la fuite.

Le mouvement des riverains de Khimki a aussitôt souligné qu'il n'avait rien à voir avec cette attaque, mais dès mercredi soir, la police russe a interpellé neuf militants pacifistes qui occupaient au même moment leur bout de forêt.

«Notre camp a été encerclé (...) et on nous a dit de quitter la forêt. Les OMON (troupes anti-émeutes) nous ont embarqués», a déclaré par téléphone l'organisatrice du mouvement, Evguenia Tchirikova. Elle a été condamnée dans la soirée à 700 roubles (18 euros) d'amende pour un feu de camp interdit dans la forêt, et libérée avec les autres militants, a rapporté la radio Echo de Moscou.

Cette petite femme mince et blonde s'est lancée dans ce combat il y a trois ans pour ses deux jeunes enfants, dit-elle.

Son association s'est adressée récemment au PDG du groupe français Vinci pour lui demander de renoncer à un contrat entaché selon elle d'«illégalité et (de) violence».

En 2008, Mikhaïl Beketov, le rédacteur en chef d'un journal local avait été violemment battu après des révélations sur ce dossier. Resté des mois dans le coma, il a été amputé d'une jambe, et l'enquête n'a à ce jour rien donné.

Le président du Sénat russe, Sergueï Mironov, a apporté jeudi un soutien inattendu à cette cause, estimant que l'attaque de mercredi soir était une «grossière provocation», et demandant que le problème soit réglé «autour d'une table de négociations».

Le chef du gouvernement, Vladimir Poutine, a lui aussi fait savoir par son porte-parole qu'il «suivait l'évolution de la situation».

Car dans un paysage politique monotone depuis l'arrivée au pouvoir de M. Poutine en 2000, ces embryons de mobilisation citoyenne se sont multipliés, au fil de l'exaspération suscitée localement par l'arbitraire des autorités, les passe-droits ou les questions environnementales.

Récemment, c'est un mouvement d'automobilistes excédés par les comportements sur les routes des limousines officielles, qui s'est fait entendre après l'accident mortel provoqué à Moscou par la mercedes d'un vice-président du groupe pétrolier Loukoil.

Maria Lipman, analyste du centre Carnegie à Moscou, relativise cependant la portée de ces mouvements, car, dit-elle, «de ce mécontentement, cette indignation, cette colère, à une organisation politique, la distance est trop grande».