Le Tribunal pénal international (TPI) pour l'ex-Yougoslavie a ordonné mercredi la tenue d'un nouveau procès pour l'ancien premier ministre kosovar Ramush Haradinaj, acquitté de crimes de guerre et contre l'humanité en première instance après que des témoins ont été intimidés.

«La chambre d'appel (...) ordonne que Ramush Haradinaj, Idriz Balaj et Lahi Brahimaj fassent l'objet d'un nouveau procès» pour plusieurs chefs d'accusation, a déclaré à La Haye le juge Patrick Robinson à propos de l'ancien chef de gouvernement et de ses deux co-accusés.

«C'est la première fois» que des accusés seront rejugés par le TPI, a indiqué à l'AFP la porte-parole du TPI Nerma Jelacic.

L'ancien premier ministre avait été reconnu non coupable, le 3 avril 2008, de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, à savoir des persécutions, meurtres, tortures et viols commis contre des civils serbes et des opposants politiques en 1998 lorsqu'il était un dirigeant de l'Armée de libération du Kosovo (UCK).

Le procès en première instance, ouvert le 5 mars 2007, avait été marqué par la peur des témoins à venir déposer, une vingtaine d'entre eux ayant d'abord refusé de témoigner avant que la chambre ne les y force.

«La chambre de première instance n'a pas pris les mesures suffisantes pour empêcher l'intimidation des témoins qui a pu imprégner le procès», a indiqué M. Robinson, ajoutant que les juges auraient dû donner plus de temps à l'accusation pour s'assurer de la déposition des témoins.

«Cette erreur a mis à mal l'équité du procès et a entraîné une erreur judiciaire», a encore déclaré le président du TPI.

Tout comme M. Haradinaj, 42 ans, le plus haut responsable kosovar jamais poursuivi par le TPI, Idriz Balaj, 38 ans, commandant de l'unité spéciale des «Aigles noirs» de l'UCK, avait également été acquitté en première instance.

Le troisième accusé, Lahi Brahimaj, 40 ans, un autre ancien responsable de l'UCK, avait été condamné à six ans de prison.

Le procureur, qui avait requis 25 ans de prison à l'encontre des trois hommes, avait interjeté appel contre ce jugement, la défense de Lahi Brahimaj faisant de même contre la condamnation de ce dernier.

Ramush Haradinaj et Idriz Balaj devront être rejugés pour six chefs d'accusation de crimes de guerre comprenant meurtre, traitement cruel et torture, et Lahi Brahimaj pour quatre.

M. Haradinaj, arrêté mardi à Pristina et transféré aux Pays-Bas suite à un mandat d'arrêt confidentiel du TPI émis lundi, et Lahi Brahimaj ont été placés en détention à La Haye jusqu'au début du procès, a indiqué Nerma Jelacic.

Idriz Balaj, actuellement emprisonné au Kosovo pour une peine indépendante du TPI, va également être transféré à La Haye, a ajouté la porte-parole.

«La défense de M. Haradinaj est extrêmement surprise par la décision» du TPI, a déclaré le coordonnateur de celle-ci, Michael O'Reilly, dans un communiqué.

Le parti de M. Haradinaj, l'Alliance pour l'avenir du Kosovo (AAK), a qualifié dans un communiqué la décision du TPI de «très mauvaise nouvelle pour le parti, les citoyens du Kosovo et l'État du Kosovo».

Regret à Pristina, satisfaction à Belfast

Le gouvernement kosovar a regretté mercredi la décision du TPI d'organiser un nouveau procès pour l'ancien premier ministre kosovar tandis qu'à Belgrade la satisfaction prévalait.

«Le gouvernement de la République du Kosovo exprime ses regrets après la décision du tribunal mais est convaincu que M. Haradinaj va prouver son innocence», a indiqué un communiqué diffusé à Pristina.

Le gouvernement a appelé «les citoyens à faire preuve de respect envers la justice internationale».

La décision du TPI a provoqué cependant la colère d'une association d'anciens combattants kosovars de la guerre 1998-1999, qui a demandé, dans un communiqué, la libération de Ramush Haradinaj.

L'Association des vétérans de la guerre du Kosovo de l'ouest, bastion de M. Haradinaj, a qualifié la décision du TPI de «choquante». «Nous insistons sur le retrait de cette décision inattendue et sans précédent dans les pratiques de la justice internationale», a t-elle indiqué.

Si le TPI continue d'insister sur la détention de M. Haradinaj, il sera confronté «à une déstabilisation non seulement du Kosovo, mais des Balkans dans leur ensemble», a-t-elle prévenu.

«C'est une bonne nouvelle et cela démontre que le Tribunal est objectif», s'est félicité en revanche le président serbe, Boris Tadic, cité par les agences.

Le premier ministre serbe, Mirko Cvetkovic, en visite en Bosnie, a également exprimé sa satisfaction, soulignant que le TPI s'en tenait aux faits, selon l'agence des Serbes de Bosnie SRNA.

Rasim Ljajic, le responsable du Bureau serbe en charge de la coopération avec le TPI, a exprimé l'espoir que «la justice sera entièrement faite pour les victimes», selon la télévision B92 à Belgrade.

«Nous ne voulons en aucun cas préjuger (des résultats du deuxième procès) mais nous voulons seulement que la vérité entière soit établie sur les crimes attribués à Haradinaj», a t-il ajouté.