La police a interdit mardi un projet d'apéro géant «saucisson et pinard» qui devait se tenir vendredi dans un quartier à forte population musulmane de Paris, largement relayé sur Internet par divers groupes mêlant extrême droite et militants laïcs.

La préfecture de police a justifié cette interdiction, qui concerne aussi tout projet de contre-manifestation, car «cet événement (...) est créateur de risques graves de troubles à l'ordre public».

L'invitation à manger du porc et boire du vin à la Goutte d'Or, un quartier populaire du 18e arrondissement dans le nord de Paris, perçue comme une provocation à l'égard des musulmans, avait été lancée par l'intermédiaire du réseau social Facebook. Elle s'inspirait d'un procédé, l'apéro géant, qui fait débat en France car les participants y finissent parfois très imbibés d'alcool.

Mais cette fois, l'apéro avait une vocation politique: elle visait à dénoncer la prière du vendredi qui rassemble des dizaines de musulmans dans la rue, faute de place dans les mosquées du quartier.

Sur leur groupe Facebook, les instigateurs se plaignent que des rues du quartier «sont occupées, particulièrement le vendredi, par des adversaires résolus de nos vins de terroir et de nos produits charcutiers».

L'appel a été lancé apparemment il y a deux semaines. Mais sa notoriété a explosé véritablement lundi par sa révélation dans les médias. Mardi à la mi-journée, le groupe Facebook comptait 6 700 membres, certains se proposant déjà d'organiser d'autre apéros à Lille ou Bruxelles, voire un apéro «bacon and beer» à Londres.

La créatrice du groupe se fait appeler Sylvie François et a assuré au journal Libération être une habitante du quartier «depuis plusieurs générations».

L'invitation a été relayée par des associations d'extrême droite, comme le Bloc identitaire, qui avaient déjà tenté par le passé de lancer des soupes populaires (repas pour les plus démunis) «au cochon», dans le but d'en exclure les musulmans.

Mais la liste des soutiens montre aussi la présence d'organisations souverainistes de droite, féministes et de militants laïcs, comme ceux de la revue en ligne Riposte laïque, dont certains se disent de gauche.

Avec pour point commun le rejet de l'islam. Pour le fondateur de cette revue, Pierre Cassen, l'apéro est une réponse «festive» à «l'offensive fasciste islamiste en France».

Plusieurs organisations anti-racistes et partis politiques de gauche avaient demandé au préfet de police de Paris d'interdire la manifestation.

«Manoeuvre grossière aux relents racistes, cette invitation est une provocation dans un quartier où le vivre ensemble, malgré les difficultés sociales, est devenu proverbial», s'est indigné le Parti communiste.

Même réprobation au gouvernement: la secrétaire d'État à la Ville Fadela Amara, d'origine algérienne, a condamné une initiative «porteuse de haine, de racisme et de xénophobie».

Le maire de Paris, le socialiste Bertrand Delanoë, avait fait part de son «inquiétude» devant l'événement «visiblement inspiré par des mouvements d'extrême droite» et organisé «quelques heures après les prières musulmanes du vendredi et juste avant le match de football Angleterre-Algérie» de la coupe du monde de football.

Sur son site, Riposte laïque avait prévenu «il serait énorme que notre initiative soit interdite, quand quelques heures plus tôt, les prieurs musulmans auront occupé, sous la direction d'une milice religieuse, avec la complicité des forces de l'ordre, plusieurs rues de la Goutte d'Or».