Un mafieux repenti a mis en cause vendredi Silvio Berlusconi dans le procès à Turin pour collusion mafieuse d'un proche du chef du gouvernement italien qui, à Rome, a dénoncé une «absurde machination» et affirmé être à la pointe du combat contre la mafia.

Le repenti Gaspare Spatuzza, entendu par les juges de la Cour d'appel de Palerme transférée à Turin pour raison de sécurité, était dissimulé aux avocats et au public, par deux paravents blancs sous étroite surveillance d'une quinzaine de policiers, a constaté un photographe de l'AFP.

À la barre, il a affirmé que son «boss», Giuseppe Graviano, s'était félicité après une campagne d'attentats sanglants de la mafia en 1993, d'«avoir tout obtenu» et que Cosa Nostra avait «le pays en main (...) grâce au sérieux de ces personnes» avant de citer MM. Berlusconi et son ancien bras droit Marcello Dell'Utri.

Entendu dans le procès en appel de Dell'Utri, condamné en première instance à neuf ans de réclusion en 2004, le repenti a indiqué que son chef «était content comme quelqu'un qui vient de gagner au loto ou d'avoir un enfant».

Spatuzza répétait en détail une déposition faite pour la première fois fin 2008 à Palerme selon laquelle MM. Berlusconi et Dell'Utri auraient été les interlocuteurs privilégiés dans le monde politique de Graviano, à l'époque d'une série d'attentats mafieux à Milan, Florence et Rome en 1993, au lourd bilan de 10 morts et une cinquantaine de blessés.

L'année suivante, Berlusconi et Dell'Utri créaient le parti Forza Italia et Berlusconi remportait les premières législatives le portant au pouvoir.

Le repenti avait considéré comme une «anomalie» pour la mafia cette série d'attaques aveugles par comparaison aux attentats de 1992 qui ont tué les juges «ennemis» Giovanni Falcone et Paolo Borsellino.

Graviano lui aurait alors expliqué que le but était de «provoquer des remous» et qu'au bout du compte, «tout le monde (dans la mafia) allait en bénéficier y compris les détenus».

Devant le tribunal, Spatuzza, condamné à perpétuité pour le meurtre d'un prêtre anti-mafia et d'un enfant (dont le corps fut dissous dans l'acide), a dit avoir décidé de collaborer avec la justice après avoir retrouvé la foi en 2007 grâce à un aumônier de prison. En Italie, le statut de repenti permet d'atténuer les condamnations.

Durant l'audience, des sources gouvernementales ont affirmé que Silvio Berlusconi était apparu «tranquille et optimiste» en conseil des ministres à Rome. Selon ces sources, le chef du gouvernement a dénoncé une «absurde machination» à son encontre et une vengeance de la mafia contre le gouvernement qui l'a le plus combattu.

Son porte-parole Paolo Bonaiuti a égrené, dans un communiqué, «les résultats extraordinaires» de la lutte anti mafia depuis le retour au pouvoir en avril 2008 du Cavaliere. «Le gouvernement a arrêté huit mafieux par jour (...), 15 des 30 plus dangereux mafieux en cavale, saisi 10 millions d'euros de biens mafieux par jour pour un total de 5,6 milliards d'euros, le triple du gouvernement (de gauche) d'avant».

Ces performances n'ont «pas de précédent ces 20 dernières années», a estimé M. Bonaiuti en jugeant «logique» que la mafia «utilise ses membres» pour lancer des accusations contre M. Berlusconi.

Pour sa part, le sénateur Dell'Utri, présent à l'audience de Turin, a nié catégoriquement avoir jamais rencontré Graviano et accusé la mafia de «vouloir faire tomber le gouvernement».

Plusieurs responsables de la majorité ont repris cette ligne, dénonçant à l'instar du chef des sénateurs, Maurizio Gasparri, un «degré zéro de crédibilité» du repenti Spatuzza.