Les dirigeants suisses, qui avaient incité la population à voter contre l'interdiction des minarets, craignent maintenant la réaction des pays musulmans.

Dès dimanche, le grand mufti d'Égypte, Ali Gomaa, a donné écho à leur inquiétude en déclarant que la décision représentait «une insulte pour les pratiquants de l'islam».

Abondant dans le même sens, le Nahdlatul Ulama, principale organisation musulmane d'Indonésie, a fustigé hier ce signe de «haine» et appelé à des manifestations pacifiques.

Le ministre de la Culture de la Turquie a parlé pour sa part d'une «violation de la liberté de culte». Le Vatican a aussi critiqué la décision comme une atteinte à la liberté religieuse.

Dans une lettre ouverte au quotidien anglais The Guardian, l'intellectuel musulman Tariq Ramadan, qui réside à Genève, relève que le résultat de dimanche reflète la «profonde» crise identitaire traversée par les pays occidentaux en pleine mondialisation.

«Au moment même où les Européens se demandent: «Qui sommes-nous?» et «Que nous réserve le futur?», ils voient autour d'eux de nouveaux citoyens, de nouvelles couleurs de peau, de nouveaux symboles auxquels ils ne sont pas habitués», écrit le controversé auteur, qui accuse les formations extrémistes de Suisse et d'ailleurs de «manipuler» ces peurs à leur avantage.

L'institut suisse Religioscope, qui a chapeauté un ouvrage sur les différentes polémiques liées aux minarets, prévient dans une longue analyse qu'il ne faut pas réduire le résultat à une simple «bizarrerie suisse».

«Il y a aujourd'hui, à la charnière entre religion et politique, une véritable «question musulmane» en train de se construire en Europe, avec des formes diverses selon les pays... Peu importe dans quelle mesure cette question est justifiée ou non: il faut admettre qu'elle existe et ne va pas disparaître de sitôt», souligne l'organisation.