Capitale de la douleur «, L'Aquila deviendra aussi à partir d'aujourd'hui la «capitale du monde», a annoncé le chef du gouvernement italien, Silvio Berlusconi. Dévasté par un séisme en avril dernier, le village italien accueille les leaders des grands pays industrialisés. Sur fond de ruines, ils discuteront en priorité de l'effondrement de l'économie mondiale, nous explique notre envoyé spécial.

Si le premier ministre canadien Stephen Harper souhaite laisser une impression durable en Italie, à l'issue du sommet du G8, Anna Rita Tennina a la solution toute trouvée.

 

«Peut-être que le Canada pourrait adopter Paganica?» suggère l'Italienne de 38 ans, qui continue, tant bien que mal, de faire fonctionner un magasin de fournitures dans ce petit village dévasté par le tremblement de terre d'avril dernier.

Le centre demeure interdit aux visiteurs, en raison des risques d'effondrement des immeubles qui continuent, à une inquiétante fréquence, d'être ébranlés par de nouvelles secousses.

Des centaines de résidants évacués dorment sous les tentes, dans des conditions qui sont à des années-lumière de celles qui sont réservées aux délégations politiques attendues aujourd'hui dans la ville voisine de L'Aquila, pour traiter des grands sujets de l'heure.

Le premier ministre italien, Silvio Berlusconi, a souligné la semaine dernière qu'il souhaitait tenir le sommet du G8 à cet endroit pour faire de la «capitale de la douleur», l'épicentre de la planète.

Les ruines, omniprésentes dans la région, risquent de passer aux yeux des plus malicieux pour une métaphore de la situation économique mondiale, qui demeure la principale préoccupation des chefs de gouvernement des grands pays industrialisés rassemblés aujourd'hui en Italie.

«Les enjeux économiques doivent demeurer la priorité à L'Aquila», a résumé lundi un porte-parole de M. Harper, qui entend presser ses homologues de maintenir leurs efforts pour endiguer la crise.

Les dirigeants des principales institutions financières ne cessent de mettre en garde les élus contre tout excès d'optimisme face à l'évolution de la situation.

Le président du Fonds monétaire international (FMI), Dominique Strauss-Kahn, a ainsi prévenu récemment qu'il faut demeurer «très prudent». «De nombreuses actions doivent encore être réalisées», a-t-il déclaré, en relevant que la situation des pays émergents était «très préoccupante».

Même son de cloche de la part du président de la Banque mondiale, Robert Zoellick, qui a révisé à la baisse ses prévisions pour l'économie mondiale en 2009. Il prévoit désormais un recul du PIB de 3% plutôt que de 1,75%.

À l'instar de son homologue du FMI, M. Zoellick insiste sur l'impact de la crise sur les pays pauvres et presse les membres du G8 de faire «beaucoup plus» dans les mois qui viennent pour les aider à se tirer d'affaire.

Des vies en jeu

Les besoins sont criants, confirme en entrevue le directeur exécutif d'Oxfam Canada, Robert Fox. «On ne parle pas ici de gens qui sont contraints de réduire leurs dépenses de loisirs ou de réduire leurs vacances, mais bien de gens qui jouent leur vie», indique M. Fox, qui s'inquiète de l'explosion du nombre de personnes qui souffrent de malnutrition, aujourd'hui supérieur à un milliard dans le monde.

Cette évolution découle en partie des prix des denrées alimentaires de base, qui demeurent sensiblement plus élevés qu'à la normale malgré un recul marqué après la flambée de l'année dernière.

Lors d'un sommet d'urgence, les représentants d'une quarantaine de pays s'étaient engagés à injecter 22 milliards de plus pour endiguer la crise alimentaire. Seulement 10% de cette somme se sont concrétisés jusqu'à maintenant, déplore M. Fox, qui s'inquiète de voir des pays riches réduire leur budget d'aide.

Lors du sommet de Gleneagles, en 2005, les membres du G8 avaient promis de doubler l'aide au développement d'ici à 2010 et de faire augmenter l'aide totale à 0,7% de leur PIB d'ici 2015. Certains pays, comme la France et l'Italie, ne suivent pas le rythme prévu même si les ministres des Finances du G8 ont réitéré, il y a quelques semaines, leur volonté de respecter ces engagements.

Ils ont aussi promis de rehausser sensiblement le budget du FMI, qui doit passer de 250 à 1000 milliards d'ici à la fin de l'année.

Caserne indestructible

Le président des États-Unis, Barack Obama, a déclaré vendredi dernier, en prévision du G8, qu'il souhaitait convaincre ses homologues de faire plus pour venir en aide aux pays les plus défavorisés, notamment en encourageant un renforcement de leur capacité de production agricole. Selon le Financial Times, un plan spécial de plus de 10 milliards de dollars devrait être annoncé à cette fin dans le communiqué final de vendredi.

Les dirigeants du G8, qui se réuniront dans une caserne militaire réputée indestructible de L'Aquila, doivent aussi débattre du réchauffement climatique, de la crise en Iran et de régulation financière... s'ils ne sont pas perturbés dans leurs échanges par de nouvelles répliques sismiques. Un plan d'urgence a été mis sur pied pour évacuer rapidement les chefs d'État advenant une secousse supérieure à 4 sur l'échelle de Richter.

Plusieurs délégations ont réservé des chambres d'hôtel à Rome en vue d'un possible transfert de dernière minute. «Les conseillers politiques ont passé plus de temps à discuter de l'endroit où se tiendront les discussions que des enjeux eux-mêmes», ironise un lobbyiste.