Plus de soixante ans après la fin de la seconde guerre mondiale, 46 pays se sont engagés à poursuivre le processus de réparation des spoliations subies par les Juifs pendant le régime nazi, dans une déclaration internationale publiée lundi à Prague.

Cette déclaration appelle notamment à «rectifier les conséquences des saisies illégales de propriétés, comme les confiscations et les ventes forcées (...) qui ont accompagné les persécutions de ces personnes innocentes» par les nazis.

Fruit de long mois de discussions, la déclaration dite de «Terezin» -du nom d'un ancien ghetto juif situé au nord de Prague- a été finalisée au cours d'une conférence organisée à Prague depuis vendredi par la présidence tchèque de l'UE.

«C'est la déclaration la plus complète et la plus poussée concernant les biens de l'Holocauste, elle couvre des points jamais abordés comme les aides sociales aux survivants et la restitution des propriétés privées», a déclaré à la presse Stuart Eizenstat, le chef de la délégation américaine.

Les signataires s'engagent notamment à élargir l'accès aux archives pour faciliter l'identification des biens confisqués, un point jugé essentiel par les experts.

La déclaration prévoit aussi d'utiliser les biens des victimes sans descendance pour apporter une aide sociale aux survivants et développer l'éducation sur l'Holocauste pour perpétuer la mémoire des exterminations massives perpétrées par les nazis.

Parallèlement à la déclaration, l'Union européenne s'est engagée à créer un «Institut européen sur l'héritage de la Shoah» dont le siège sera à Terezin et assurera le suivi du processus de restitution, encore très embryonnaire en Europe centrale et en Europe de l'Est.

Dans la déclaration, les signataires s'engagent notamment à faire le point d'ici à juin 2010 sur les démarches mises en oeuvre.

En 1998, 44 pays s'étaient déjà engagés pendant une conférence à Washington à mettre en oeuvre des processus de restitution, d'indemnisation et de réparations pour les oeuvres d'art confisquées aux victimes de l'Holocauste.

La valeur totale des biens confisqués aux Juifs par le régime nazi a été évaluée à plus de 17 milliards de dollars à la fin de la guerre, et, à ce jour, «seule une partie a été restituée ou compensée», comme le rappelle la déclaration commune.

Sur 600 000 tableaux volés par les nazis, il en manque encore environ 100 000, selon les chiffres publiés à Prague.

Pas plus que la déclaration internationale adoptée à l'époque, la déclaration de Terezin n'est légalement contraignante, mais elle «crée une obligation morale importante», comme l'a rappelé M. Eizenstat au cours de la conférence de presse finale.

«Il reste beaucoup à faire il ne faut pas se laisser griser par les résultats obtenus, il manque parfois une vraie volonté politique au-delà des discours convenus», a regretté François Zimeray, le chef de la délégation française, en marge de la conférence.

Au cours de la conférence, la Pologne, un des pays européens les plus concernés par les confiscations nazies, après l'Allemagne, «a expressément réitéré son engagement à introduire une loi sur la propriété privée qui couvre non seulement la période communiste mais aussi l'Holocauste», a dit M. Eizenstat.

La Russie a également accepté de se joindre à la déclaration de Terezin, mais en réitérant sa volonté de s'en tenir aux traités internationaux signés après-guerre, ce qui limite la portée des restitutions possibles.

«Nous soutenons entièrement la déclaration de Terezin», mais «tout devrait être fondé sur les principes internationaux adoptés après la guerre», y compris les traités de paix, a déclaré Mikhaïl Chvydkoï, le chef de la délégation russe pendant la conférence.