Retiré de la politique depuis deux ans, l'ancien président Jacques Chirac atteint paradoxalement des sommets de popularité en France, bénéficiant d'une «nostalgie» de l'avant-crise et d'un effet de contraste avec son successeur, l'hyperactif Nicolas Sarkozy.

Jacques Chirac arrive en tête de toutes les personnalités, selon un «palmarès» mensuel Ifop/Paris Match paru jeudi, avec 74% d'opinions positives ("3 points). Il devance de 5 points la secrétaire d'Etat aux droits de l'Homme Rama Yade et le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner, et de 33 points Nicolas Sarkozy (41%).

«Que Jacques Chirac ne soit plus dans le champ politique fait qu'il apparaît de plus en plus consensuel», souligne Frédéric Dabi, de l'institut de sondage Ifop, interrogé par l'AFP. Il atteint ainsi 66% de bonnes opinions à gauche.

«Quand une personnalité politique se retire, il y a toujours une sorte de relecture bienveillante de son bilan», observe cet expert. «Les années Chirac sont peut-être maintenant décodées comme celles de l'avant-crise. Il y a un côté nostalgie d'un âge d'or».

Jacques Chirac profite aussi «de la comparaison avec son successeur», estime M. Dabi. «Ils incarnent de manière tellement différente la fonction présidentielle, que Chirac bénéficie de l'anti-sarkozysme, très fort dans certains segments de population: jeunes ou sympathisants de gauche».

N'intervenant publiquement que sur les temps forts de la vie politique ou sur les grands dossiers internationaux, il avait une approche très classique de la fonction présidentielle. Nicolas Sarkozy est décrit comme un «hyper-président», multipliant les discours sur tous les sujets, de la crise économique et sociale aux affaires familiales.

En qualité d'ancien président, Jacques Chirac, 76 ans, siège au Conseil constitutionnel. Mais il a surtout créé une fondation, lancée en juin 2008, pour l'écologie et la diversité des cultures, des thèmes qu'il avait particulièrement développés à la fin de son second mandat.

Cette posture politique lui a même valu les encouragements du président américain Barack Obama qui, selon le quotidien Le Figaro, lui a écrit une lettre au mois de mars pour l'assurer de sa volonté d'oeuvrer avec lui à «un monde plus sûr».

Jacques Chirac s'est donné pour principe de s'abstenir de toute critique publique à l'égard de Nicolas Sarkozy, héritier rebelle dont il avait cherché en vain à freiner l'ascension politique.

L'opposition de gauche s'est en revanche saisie de cette popularité inattendue de Jacques Chirac. «Je me dis que finalement, on le regrette», avait lancé la patronne des socialistes, Martine Aubry. «Quand on n'est pas satisfait de l'actuel, on regarde le précédent», résume le socialiste François Hollande.

Jacques Chirac, testé depuis cinq ans dans le classement Ifop-Paris Match, avait atteint un plus bas de 29% en avril 2006. Il était à 47% en mars 2007, avant son départ de l'Elysée.

Ses proches voient dans ce sondage une reconnaissance. «Il a laissé le souvenir d'un homme capable de dépasser les querelles. Les Français ne le ressentent pas comme un politicien, mais comme un homme d'Etat», estime l'ancien ministre Jean-Louis Debré.

Mais pour le chef de file des députés UMP (droite, majoritaire) Jean-François Copé, «il ne faut pas tirer de conclusions particulières par rapport à ce qu'on vit aujourd'hui». Jacques Chirac «n'est pas directement dans l'action» et a «marqué» la vie politique, souligne-t-il. «Il y a sans doute un peu de nostalgie».