(Baltimore) Les corps sans vie de deux des six ouvriers recherchés ont été repêchés mercredi des eaux glacées du port de Baltimore, sur la côte est américaine, ont annoncé les autorités, au lendemain de l’effondrement spectaculaire d’un pont percuté par un porte-conteneurs.

« Des plongeurs ont localisé un pick-up rouge à environ 7,6 mètres de profondeur », a annoncé lors d’un point presse, la police du Maryland, l’État où se situe Baltimore. « Deux victimes du drame étaient prisonnières du véhicule ».

Les corps repêchés ont été identifiés comme ceux de deux hommes âgés de 35 et 26 ans, originaires du Mexique et du Guatemala, qui faisaient partie de l’équipe d’ouvriers présente sur la chaussée du pont Francis Scott Key au moment de l’accident.

Les corps de quatre de leurs collègues, tous présumés morts, n’ont eux pas encore été retrouvés, ont ajouté les autorités.

Mais, en raison notamment de la quantité de béton et de débris, « les plongeurs ne sont plus en mesure de se frayer un chemin en sécurité » vers « ce que nous pensons être les véhicules piégés », a déclaré Roland Butler, de la police du Maryland.

Les secours vont donc chercher à retirer la structure de l’eau pour faciliter l’accès aux plongeurs, a-t-il précisé.

PHOTO JULIA NIKHINSON, REUTERS

Parmi les victimes potentielles figurent des ouvriers qui travaillaient sur l’ouvrage, qui enjambe l’embouchure du fleuve Patapsco.

Les autorités avaient averti mardi soir qu’elles ne pensaient pas pouvoir « retrouver ces individus encore en vie », alors que deux membres de leur équipe avaient été secourus peu après le drame.

Les victimes, originaires d’Amérique latine selon la presse américaine, réparaient des nids de poule sur le pont lorsqu’il s’est écroulé dans le fleuve Patapsco.

« Pas conçu pour résister »

L’agence américaine de sécurité des transports (NTSB) a fourni mercredi une chronologie détaillée de la tragédie, basée sur l’analyse préliminaire de l’enregistreur de données du porte-conteneurs.

Long de 300 mètres pour 48 mètres de largeur, le Dali, battant pavillon singapourien, a quitté le quai du port de Baltimore mardi à 0 h 39 à destination de l’Asie, a indiqué Marcel Muise, enquêteur du NTSB, lors d’une conférence de presse.  

À 1 h 24 locales, des alarmes ont commencé à retentir à bord du navire, signalant des problèmes de propulsion. Le pilote a rapidement informé les autorités portuaires par radio que le navire se dirigeait vers le pont, et a demandé l’intervention de remorqueurs.

L’appel à l’aide a été également reçu par deux équipes de l’autorité locale des transports qui se trouvaient sur le pont en raison des travaux. Ces dernières ont alors fermé toutes les voies de circulation, sauvant ainsi probablement des vies.

Puis, à 1 h 29, l’enregistreur du navire a enregistré des « sons correspondant à la collision ».

Le pont, emprunté chaque jour par des dizaines de milliers de véhicules, s’est alors effondré tel un château de cartes, des pans entiers de la structure se retrouvant sur le bateau.  

PHOTO NATHAN HOWARD, REUTERS

Des images impressionnantes de vidéosurveillance montrent le porte-conteneurs dévier de son cap, heurter une pile du pont inauguré en 1977 puis s’écrouler.  

Pour le ministre américain des Transports Pete Buttigieg, « ce type de pont […] n’a tout simplement pas été conçu pour résister à un choc direct contre pilier de soutien essentiel ».  

L’équipage avait tenté en vain de ralentir la course du navire en jetant l’ancre.

L’enquête préliminaire montre qu’il s’agit d’un accident, selon les autorités.

« Coût de la reconstruction »

Le président Joe Biden s’est engagé à ce que « l’État fédéral paie la totalité du coût de la reconstruction » du pont, qui porte le nom de l’auteur des paroles de l’hymne national américain, en admettant que cela prendrait du temps.

« Nous serons aux côtés des habitants de Baltimore aussi longtemps qu’il le faudra », a-t-il encore assuré mercredi soir sur le réseau social X.

Car l’enjeu est aussi économique : ce pont à quatre voies, long de 2,6 km, est situé sur un axe nord-sud crucial pour l’économie de la côte Est des États-Unis.

Pour l’heure, le transport maritime y est « suspendu jusqu’à nouvel ordre », selon les autorités. Le port de Baltimore est le neuvième du pays en termes d’activité et génère plus de 15 000 emplois.

Le Dali est « stable » et ne représente pas de danger pour l’environnement et le public, en dépit de la présence à bord de 5,6 millions de litres de diesel et de quelques conteneurs de matières dangereuses, a assuré mercredi Peter Gautier, responsable des gardes-côtes.

Deux conteneurs, sur un total de 4 700, sont tombés à l’eau.

Le navire est exploité par la société maritime Synergy Group et affrété par le géant danois du transport maritime Maersk.  

Les autorités portuaires de Singapour ont déclaré mercredi qu’il avait passé avec succès deux inspections en 2023 et qu’une jauge de contrôle de la pression du carburant défectueuse avait été réparée en juin.

Avec des informations de l’Associated Press

« Le pont tout entier vient de s’effondrer » : dans la radio des secours à Baltimore

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« J’ai besoin de l’un de vous côté sud, un autre au nord, stoppez toute la circulation sur le pont Key ! », lance un opérateur sur le réseau radio des secours de la région.

« Il y a un bateau qui s’approche et qui a perdu sa direction, donc tant qu’il n’a pas repris le contrôle, on doit bloquer tout le trafic. »

Quelques secondes après un premier message, une autre voix s’entend dans les grésillements : « j’ai bloqué tout le trafic », visiblement d’un côté du pont.

« Il y a une équipe qui travaille sur le pont-là ? » demande quelqu’un.

« Si on arrive à bloquer tout le passage, fais en sorte qu’il n’y ait personne sur le pont-là, je ne suis pas sûr… S’il y a une équipe là-haut, tu peux essayer de prévenir leur chef, il faut qu’on essaye de les évacuer temporairement », crache encore la radio des secours dans les dizaines de secondes avant l’impact.

« 10-4, quand l’autre équipe débarque, je vais monter sur le pont. […] Quand tu arrives, je vais y aller et récupérer les travailleurs sur le pont Key », lance un membre des secours au travers des crépitements radio.

Avant que l’histoire ne bascule.

Une voix prend le micro et annonce, pleine de surprise. « Le pont tout entier vient de s’effondrer, démarrez, démarrez, n’importe qui… tout le monde… le pont tout entier s’est écroulé ».

« On sait si tout le passage était bloqué ? »

« Je ne peux pas aller de l’autre côté, Monsieur ! », répond une voix agacée, « le pont est tombé ».

Les autorités chiliennes avaient signalé en 2023 un défaut dans les machines du navire, une anomalie rapidement réparée selon elles.