(New York) En lisant le nouveau livre de Ron DeSantis, on apprend que les deux premiers enfants du gouverneur de la Floride ont pour prénoms les patronymes de deux Pères fondateurs : Madison et Mason. On soupçonne que ce choix est lié à l’admiration de l’auteur pour ces deux Virginiens dont les débats ont façonné la Constitution des États-Unis. Mais on n’en obtient aucune confirmation, car Ron DeSantis est aussi renfermé qu’une huître.

Les médias américains présentent l’ouvrage de 256 pages, intitulé The Courage to Be Free (Le courage d’être libre), comme les mémoires d’un politicien dont les ambitions présidentielles pourraient menacer l’emprise de Donald Trump sur l’électorat républicain. Mais l’époque contemporaine ne compte probablement pas de mémoires aussi pauvres en révélations personnelles. Ce qui est fascinant en soi.

On sait, par exemple, que Ron DeSantis a perdu sa sœur, Christina, morte d’une maladie en 2015 à l’âge de 30 ans, alors qu’elle vivait avec son fiancé à Londres. Mais l’unique mention de la défunte dans le livre de son frère se trouve dans le paragraphe suivant :

« Ma famille a vécu un peu partout en Floride parce que mon père travaillait pour la société de mesure d’audience Nielsen ; à l’époque, Nielsen devait placer des dispositifs spéciaux sur les téléviseurs des familles sélectionnées. Ma mère était une infirmière qui jonglait entre l’aide aux patients et l’éducation de ma jeune sœur et de moi-même. »

Sur son père et sa mère, il en dit un peu plus, mais à peine. Sans fournir la moindre anecdote ou remarque mémorable, il écrit que ses parents lui ont inculqué leurs « valeurs de la Rust Belt », l’un étant originaire de l’ouest de la Pennsylvanie et l’autre, de l’est de l’Ohio. Ce qui lui permet d’écrire ce passage dont plusieurs se sont moqués sur Twitter :

« J’ai grandi géographiquement à Tampa Bay, mais culturellement, mon éducation était à l’image des communautés ouvrières de l’ouest de la Pennsylvanie et du nord-est de l’Ohio, depuis la fréquentation hebdomadaire de l’église jusqu’à l’idée que l’on devait gagner sa vie. Cela a fait de moi un homme qui craint Dieu, qui travaille dur et qui aime l’Amérique. »

Le républicain de 44 ans est encore plus avare de détails sur ses amis. Il ne mentionne pas une seule des personnes avec lesquelles il aurait noué des liens à l’université – il a fréquenté Yale et Harvard – ou dans la Marine, où il a servi en tant qu’avocat militaire.

Et comment en est-il venu à la politique ?

Selon son nouveau livre, l’histoire commence avec son premier projet littéraire. Après avoir mis fin à sa carrière militaire – et s’être marié avec Casey Black, journaliste de télévision bien connue à Jacksonville –, Ron DeSantis se met à écrire un livre intitulé Dreams From Our Founding Fathers.

Le titre et la couverture sont inspirés de l’autobiographie de Barack Obama, Dreams From My Father, énorme succès de vente. Publié à compte d’auteur en 2011, au plus fort de la vague populiste du Tea Party, l’ouvrage du futur représentant et gouverneur de Floride cite abondamment James Madison et Alexander Hamilton, entre autres Pères fondateurs, pour mieux condamner les « objectifs collectivistes » et le « programme redistributif » du 44e président, dont l’« arrogance palpable » et l’« égotisme » sont aussi critiqués par l’auteur.

Ce premier livre ne trouvera jamais son public. Mais il marquera un tournant dans la vie de Ron DeSantis, selon ce qu’il raconte dans son nouveau livre. Car, pour le promouvoir, l’auteur dit être allé à la rencontre des citoyens de Floride.

Bien que mes apparitions n’aient pas fait de mon livre un best-seller, elles ont indirectement ouvert la voie à ma candidature au Congrès l’année suivante. L’une des réponses habituelles que l’on me donnait après mes interventions était que je devais moi-même me présenter aux élections.

Extrait de The Courage to Be Free, par Ron DeSantis

Voilà comment Ron DeSantis explique son entrée en politique. Au moins un de ses amis d’enfance, qui fait aujourd’hui partie de l’équipe d’entraîneurs des Rays de Tampa Bay, a une autre version.

« J’ai toujours su qu’il ferait de la politique », a confié Brady Williams au Tampa Bay Times en 2020. « Son but était d’être président des États-Unis. »

En attendant, Ron DeSantis propose d’étendre à la grandeur de son pays les politiques qu’il met en place en Floride, comme l’indique le sous-titre de son livre. Il est particulièrement fier de ses combats contre le « wokisme débridé », les « Big Tech » et l’« État de sécurité biomédicale », dont le DAnthony Fauci est à son avis le représentant le plus dangereux.

L’auteur du Courage d’être libre est beaucoup plus circonspect en écrivant sur Donald Trump. Il n’aborde ni les mensonges de l’ancien président sur l’élection présidentielle de 2020 ni l’attaque du 6 janvier 2021 contre le Capitole.

Il fait au moins un aveu plutôt ironique. Il s’est marié à Disney World, parc d’attractions d’une entreprise « woke » qui a contesté la loi de Floride surnommée « Don’t Say Gay » par ses critiques.

« Ce n’était pas mon idée », écrit le gouverneur républicain en attribuant le choix à l’enthousiasme de la famille de sa bien-aimée pour Disney World. « Ma seule condition était qu’aucun personnage de Disney ne fasse partie de notre mariage. Je voulais que notre journée spéciale ressemble à un mariage traditionnel. Je ne voulais pas de Mickey Mouse ou de Donald Duck sur nos photos de mariage. »

Ç’aurait pu être drôle. Mais, à en juger par ses deux livres, Ron DeSantis n’entend pas à rire.