(Montecito) Battue, inondée, dévastée par une succession de tempêtes ayant débuté la semaine dernière, la côte californienne n’a pas fini d’en découdre avec le mauvais temps. Des pluies abondantes sont encore attendues ce mercredi et dans les prochains jours dans cet État où 17 personnes ont déjà perdu la vie en raison des intempéries, selon les autorités.

Les deux dernières pertes de vie ont été enregistrées lundi à la suite de chutes d’arbres. Un garçon de 5 ans est également porté disparu après que la voiture conduite par sa mère a été engloutie par une crue des eaux dans le secteur de Los Robles, à mi-chemin entre San Jose et Los Angeles.

Les pluies diluviennes, jusqu’à 35 cm à certains endroits, ont causé d’importantes inondations, notamment dans le secteur de Santa Barbara, où une partie de la population a été évacuée. Des routes ont été fermées et environ 80 000 clients résidentiels et commerciaux étaient encore privés de courant au moment de publier, selon le site PowerOutage.us.

PHOTO KATHLEEN RONAYNE, ASSOCIATED PRESS

Beaucoup de maisons et de véhicules ont subi d'importants dommages.

Dans les régions montagneuses, on a enregistré de très fortes accumulations de neige. C’est le cas par exemple au centre de ski Mammoth Mountain, au cœur de la Sierra Nevada, qui a reçu entre 1,2 et 1,8 m de neige dans les derniers jours.

« Notre centre est fermé aujourd’hui en raison des conditions de chutes de neige intenses et du fait qu’il est actuellement très dangereux de voyager dans le secteur », indiquait-on mardi sur le site de l’entreprise.

Le quotidien Santa Barbara Independent évoque « une quantité épique de pluie » au sujet des précipitations tombées sur cette ville de la côte centrale connue pour ses immeubles de style colonial et ses boutiques branchées.

Plus au nord, San Francisco a aussi été touché par des pluies diluviennes, mais la ville semble mieux s’en sortir.

« La situation s’est améliorée depuis mercredi [4 janvier] lorsque les rues de la ville ont été passablement inondées », a dit à La Presse Geneviève Tremblay, employée aux racines canadiennes-françaises travaillant au Parkside Cafe, un restaurant de Stinson Beach, au nord de San Francisco. « Dans les derniers jours, nous avons eu des épisodes de pluie avec des pertes de courant occasionnelles. »

L’établissement n’a pas eu à fermer, ajoute-t-elle. « Nous avions une génératrice et avons pu accueillir des gens qui n’avaient plus de courant. »

San Francisco et toute la région de la Baie doivent cependant s’attendre à une nouvelle tempête qui arrivera sur les côtes ce mercredi matin, avec pluies fortes et vents violents.

PHOTO DAVID SWANSON, REUTERS

Les intempéries vont se poursuivre ces prochains jours.

Le bureau du gouverneur, Gavin Newsom, a indiqué sur les réseaux sociaux que les prochains orages pourraient encore avoir des « impacts localisés » et qu’il fallait espérer que les périodes d’accalmie s’allongent entre chaque coup de tabac pour éviter « un risque d’inondation accru ».

Rivière atmosphérique

Depuis le début de l’année, la côte californienne est soumise à une succession de rivières atmosphériques, un phénomène connu dans cette région du monde.

« C’est un corridor étroit [moins de 1000 km] qui arrive chargé d’humidité sur une région », indique en entrevue la professeure au département des sciences de la terre de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) Julie Mireille Thériault.

Pour que cette humidité se change en précipitations, elle doit frapper une barrière. En Californie et sur toute la côte Ouest, cette barrière, c’est la chaîne des montagnes Rocheuses et les Coast Mountains en Colombie-Britannique. Elles bloquent l’humidité et la forcent à monter avant de se changer en pluie.

Julie Mireille Thériault, professeure au département des sciences de la terre de l’UQAM

Mme Thériault explique que les rivières atmosphériques sont souvent surnommées « Pineapple Express ». « Parce qu’elles arrivent souvent d’Hawaii et des régions chaudes de l’océan Pacifique », précise cette climatologue titulaire de la Chaire de recherche du Canada en évènements météorologiques hivernaux extrêmes.

Entre novembre 2021 et janvier 2022, au moins cinq rivières atmosphériques ont touché la Colombie-Britannique, causant des dommages importants. L’est du continent nord-américain peut être frappé d’un tel phénomène, mais cela est beaucoup plus rare, car les conditions y sont moins propices, dit Julie Mireille Thériault.

165 milliards en 2022

Mardi, l’Agence nationale océanique et atmosphérique des États-Unis (NOAA) a rendu public un rapport indiquant que les principales catastrophes ayant frappé le pays en 2022 ont causé des dégâts estimés à 165 milliards US (environ 221 milliards CAN).

PHOTO JOSH EDELSON, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des quartiers en entier se sont retrouvés inondés.

Ce total est au troisième rang des plus élevés depuis 1980, année où la NOAA a commencé à compiler les données.

Sans surprise, la catastrophe naturelle la plus coûteuse de 2022 a été l’ouragan Ian, qui a dévasté la Floride à la fin de septembre, faisant des dégâts estimés à 112,9 milliards US. On note aussi que la NOAA a recensé 18 désastres naturels avec des coûts de plus de 1 milliard de dollars en 2022.

L’organisme évoque l’« effet amplificateur » des changements climatiques et une « nouvelle normalité » en matière d’évènements météo.

Avec l’Agence France-Presse, l’Associated Press, le Santa Barbara Independent, CNN et le National Weather Service

En bref

17

Nombre de morts rapportés par l’État, en date du 10 janvier

90 %

Proportion de la population de l’État, qui compte quelque 34 millions d’habitants, concernée par la veille de potentielles inondations

25 000

Nombre de personnes ayant reçu l’ordre d’évacuer leur résidence, y compris les habitants se trouvant dans le secteur de Santa Barbara

Le calvaire est loin d’être terminé

Des dizaines de milliers de personnes sont toujours sans électricité et des évacuations massives étaient en cours mardi alors que le plus populeux des 50 États américains était frappé par une série de redoutables tempêtes hivernales. Voici les prévisions de précipitations attendues entre midi le 10 janvier et midi le 15 janvier.

Eureka

Située à près de 440 kilomètres au nord de San Francisco, la petite communauté d’Eureka risque de recevoir les plus fortes pluies au cours des cinq prochains jours. Notre graphique indique que la ville de 26 500 habitants pourrait recevoir 7,5 cm de pluie ou plus. La région au sud d’Eureka pourrait être douchée par 25 cm de pluie.

San Francisco

PHOTO JEFF CHIU, ASSOCIATED PRESS

Des surfers de San Francisco ont affronté les intempéries.

Après une courte accalmie mardi soir et dans la nuit de mercredi, une nouvelle tempête s’annonce sur San Francisco et la région de la Baie ce mercredi matin. De fortes pluies et des vents de 50 à 80 km/h sont attendus. « Une fois de plus, on s’apprête à être trempés », a averti le météorologue Drew Tuma sur la station ABC7. Depuis deux semaines, San Francisco a reçu 31 cm de pluie, un record depuis 1867.

Santa Barbara

PHOTO ERICA URECH, REUTERS

Les plages de Santa Barbara sont méconnaissables.

Santa Barbara, qui se présente comme la « Riviera américaine », a été fortement touchée par les pluies torrentielles au cours des derniers jours. « Des pluies monstres trempent Santa Barbara », titre le quotidien Independent. Le journal rapporte la fermeture de l’autoroute 101, le débordement du réservoir Gibraltar et l’évacuation de certaines parties de la ville. Une pause dans le mauvais temps est prévue ce mercredi et jeudi. Mais quatre jours de nouvelles précipitations sont attendus à compter de vendredi.

Montecito

PHOTO APU GOMES, AGENCE FRANCE-PRESSE

La communauté de Montecito fait partie des plus touchées en Californie.

Cinq ans, jour pour jour, après avoir été dévastée par une coulée de boue ayant fait 23 morts, la communauté de Montecito a été évacuée lundi à la suite d’inondations. Montecito est le lieu de résidence de plusieurs vedettes, dont Oprah Winfrey, Ariana Grande, le prince Harry et Meghan Markle. L’animatrice Ellen DeGeneres a publié une vidéo éloquente sur Instagram où elle dit : « On doit être plus gentils avec Dame Nature, car elle n’est pas contente. Fournissons tous notre part d’efforts. »

Voyez la vidéo d'Ellen DeGeneres

Sources : The Weather Channel, National and Atmospheric Administration, ABC7, CBS Bay Area, le New York Post, la BBC, Graphic News et Reuters