Quels seront les impacts des résultats des élections de mi-mandat aux États-Unis ? Que faut-il craindre ou anticiper ? Au cours d’un clavardage mercredi, l’éditorialiste Alexandre Sirois a répondu aux questions posées par nos lecteurs. En voici les faits saillants.

Les démocrates ont-ils avantage à ce que Joe Biden se représente en 2024 ou à ce qu’il laisse sa place à un autre candidat ?

Alexandre Sirois : C’est la question qui tue actuellement. Mais au fond, tout va dépendre des résultats définitifs des élections de mi-mandat. Si les républicains s’emparent des deux chambres du Congrès américain, on peut s’attendre à ce que le leadership de Joe Biden soit davantage remis en question au cours des prochains mois. Toutefois, sachant que les démocrates ont malgré tout surpassé les attentes — puisque certains leur prédisaient une dégelée —, il est aussi possible que les successeurs potentiels de Joe Biden se gardent une petite gêne et lui laissent le choix de décider s’il se représentera en 2024 ou non. D’ailleurs, M. Biden n’a pas encore donné de réponse officielle à ce sujet. Celle-ci est très attendue. Interrogé à ce sujet hier, il a réaffirmé son « intention » de briguer un second mandat en 2024, tout en précisant qu’il confirmera sa décision « en début d’année prochaine ».

Donald Trump a déjà commencé à envenimer les médias sociaux sur la fraude électorale. Certains envisagent une guerre civile. Y croyez-vous ?

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L’ancien président Donald Trump, lors d’un rassemblement à sa résidence de Mar-a-Lago, en Floride, mardi

Alexandre Sirois : En effet, plusieurs experts ont prononcé les mots « guerre civile » au cours des dernières années. Il serait naïf de balayer leurs craintes d’un revers de main, mais on n’en est pas là pour le moment. Notons par ailleurs qu’ils n’évoquent pas un conflit aussi sérieux que la guerre de Sécession au XIXe siècle. Ce qui s’est produit le 6 janvier 2021 nous donne une bonne idée du genre de dérapages qui peuvent se produire lorsque des politiciens jouent avec des allumettes à côté d’un baril de poudre. Toutefois, l’érosion des normes démocratiques est déjà très préoccupante. Le fait que de nombreux candidats républicains aux élections de mi-mandat ont mis en doute les résultats de l’élection de 2020, c’est en soi problématique, surtout que certains de ses candidats ont même refusé de dire s’ils reconnaîtraient leur propre défaite. La survie de la démocratie américaine passe par une adhésion aux normes lui permettant de subsister. Donc, les candidats défaits qui parlent de fraude électorale jouent, comme Donald Trump, à un jeu très dangereux.

Les démocrates ont fait appel à Barack Obama pendant la campagne. Mais pourquoi n’a-t-on pas vu davantage Kamala Harris ?

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L’ancien président Barack Obama est venu prêter main forte lors d’un rassemblement en soutien au démocrate John Fetterman à Philadelphie, le 5 novembre dernier.

Alexandre Sirois : Barack Obama demeure le politicien démocrate le plus populaire aux États-Unis. Sa présence lors de la campagne était par conséquent incontournable. Il y a même certains élus qui étaient ravis d’être vus à ses côtés et qui n’auraient probablement pas voulu faire campagne aux côtés de Joe Biden. Ça donne une idée de sa célébrité. On ne peut pas en dire autant de Kamala Harris, hélas. Lors de la course au leadership du Parti démocrate, elle avait connu une performance en deçà des attentes. Et depuis qu’elle est devenue vice-présidente, elle n’a pas non plus suscité un grand enthousiasme. Alors, on peut croire que sa présence lors de la campagne n’aurait pas été un atout pour les candidats démocrates, à tout le moins certainement pas autant que celle de Barack Obama.

Doit-on prévoir des changements majeurs dans la position des États-Unis face à l’Ukraine ?

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Kevin McCarthy, leader républicain à la Chambre des représentants

Alexandre Sirois : Certains républicains, dont le leader à la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, ont déjà dit publiquement qu’ils estimaient que les États-Unis accordaient trop d’importance à ce conflit. Il faut s’attendre à des débats déchirants chez les républicains, où l’on retrouve traditionnellement de nombreux faucons en matière de politique étrangère qui vont s’opposer fermement aux républicains désirant que le soutien des États-Unis à l’Ukraine soit atténué. Mais en fin de compte, je doute que la composition du prochain Congrès ait un réel effet sur le soutien américain à l’Ukraine et au président Zelensky.

Est-il possible que des républicains viennent à penser que l’ère Trump s’essouffle et jettent leur dévolu sur Ron DeSantis en Floride ?

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Le gouverneur républicain de la Floride, Ron DeSantis, a été réélu, mardi soir.

Alexandre Sirois : Oui, Ron DeSantis a été un des grands gagnants des élections de mi-mandat cette année. Avec une avance de quelque 20 points de pourcentage sur son rival démocrate, c’est un résultat pour le moins impressionnant. Donc oui, il faut s’attendre à ce que certains républicains se disent qu’ils auront plus de chances de gagner avec lui qu’avec Donald Trump en 2024. Mais n’oublions pas que Trump demeure extrêmement populaire auprès d’une frange importante des républicains et qu’il fait régner la terreur au sein du parti. Autrement dit, tous ceux qui osent s’opposer à lui en paient le prix. Le meilleur exemple, c’est Liz Cheney, dont la carrière politique vient de prendre fin abruptement. Peut-être, donc, que DeSantis décidera de ne pas affronter Trump. Ce sera à suivre de très près.