(New York) Avec ou sans majorité démocrate au Sénat, Joe Biden devrait en baver au cours de la deuxième moitié de son mandat. Selon toute probabilité, il devra affronter au moins une chambre du Congrès qui cherchera à miner sa présidence et peut-être même y mettre fin.

Ce que vous devez savoir

  • La vague républicaine n’a pas déferlé comme prévu ;
  • À 11 h 10 jeudi, le contrôle du Sénat et de la Chambre des représentants restait encore à déterminer ;
  • Pour une majorité au Sénat, il faut 51 sièges. Pour la Chambre des représentants, il en faut 218 ;
  • Le démocrate John Fetterman de la Pennsylvanie a remporté la course au Sénat contre le Dr Mehmet Oz, vedette républicaine ;
  • Selon le site Fivethirtyeight, à 11 h 10, tant les démocrates que les républicains détenaient 48 sièges au Sénat ;
  • En ce qui concerne la Chambre des représentants, les démocrates détenaient 200 sièges, les républicains en détenaient 210.
Lisez Tout sur les élections de mi-mandat

Au lendemain des élections de mi-mandat, cette perspective n’a pas semblé troubler outre mesure le président démocrate, qui a évoqué de nouveau son intention de solliciter un deuxième mandat en 2024.

Il faut dire que ces élections ont produit des résultats rares dans l’histoire politique des États-Unis : plutôt que de sanctionner sévèrement le parti au pouvoir à la Maison-Blanche, comme le veut la tradition, elles lui ont fait subir une défaite dont le président s’est carrément vanté.

« Alors que la presse et les experts prédisaient une vague rouge géante, cela ne s’est pas produit », a déclaré Joe Biden mercredi après-midi lors d’une conférence de presse à la Maison-Blanche, après avoir qualifié les élections de mi-mandat de « bonne journée pour la démocratie » et « pour l’Amérique ».

« Les démocrates ont connu une bonne soirée », a-t-il ajouté tout en reconnaissant les frustrations des électeurs à l’égard de l’économie et de l’inflation.

Nous avons perdu moins de sièges à la Chambre que tout autre président démocrate lors de ses premières élections de mi-mandat au cours des 40 dernières années. Et nous avons eu les meilleures élections de mi-mandat pour les gouverneurs depuis 1986.

Joe Biden, président des États-Unis

Ce verdict électoral en demi-teinte tient à un fait inusité : aucun média n’a encore attribué à l’un des partis la majorité de la Chambre des représentants ou du Sénat, plus de 36 heures après la fermeture de la plupart des bureaux de scrutin.

Tout indique cependant que les républicains réaliseront le gain net d’au moins cinq sièges dont ils ont besoin pour devenir majoritaires à la Chambre. Et même si cette majorité est beaucoup plus courte que ne l’avaient annoncé les ténors de leur parti, ils pourront s’en servir pour multiplier les enquêtes sur l’administration Biden, engager des bras de fer sur les dépenses gouvernementales ou lancer des procédures de destitution contre le président ou tout autre haut responsable du gouvernement, ce que les plus radicaux d’entre eux ont promis de faire.

Joe Biden aurait évidemment la vie plus facile si les démocrates conservaient le contrôle du Sénat, ce qui demeure une possibilité.

Géorgie, Nevada et Arizona

La majorité à la chambre haute du Congrès se joue dans trois États : la Géorgie, le Nevada et l’Arizona. En attendant les résultats finaux de ces élections extrêmement serrées, les républicains sont déjà assurés de détenir 49 des 100 sièges du Sénat, contre 48 pour les démocrates.

En Géorgie, un deuxième tour de scrutin devra avoir lieu le 6 décembre entre le sénateur démocrate Raphael Warnock et l’ancien footballeur Herschel Walker. Car aucun d’eux n’a franchi le seuil des 50 % de suffrages nécessaire pour être élu dès le premier tour. Après le dépouillement de 95 % des voix, Warnock en avait récolté 49,4 % contre 48,5 % pour Walker.

PHOTO BOB STRONG, REUTERS

Raphael Warnock, candidat démocrate au poste de sénateur de Géorgie, lors d’un rassemblement à Atlanta, mercredi

En Arizona, le sénateur démocrate Mike Kelly devançait son rival républicain, Blake Masters, par 5 points de pourcentage après le dépouillement de 70 % des voix. Et au Nevada, l’aspirant républicain, Adam Laxalt, menait par 3 points de pourcentage sur la sénatrice démocrate Catherine Cortez Masto après le dépouillement de 78 % des voix.

Si Kelly défend son siège en Arizona et que Laxalt prend celui de Masto au Nevada, la majorité au Sénat se décidera donc de nouveau en Géorgie, comme cela s’était produit après les élections de 2020.

Il pourrait s’écouler plusieurs jours avant que le gagnant de la majorité à la Chambre ne soit confirmé, en raison du dépouillement des bulletins par correspondance, et des semaines avant que le vainqueur de la majorité au Sénat ne soit connu, en raison du deuxième tour en Géorgie.

Une main tendue de Biden

Tout en refusant de concéder l’avantage aux républicains dans la bataille pour la Chambre, Joe Biden a tendu la main à l’opposition pendant sa conférence de presse.

« Quel que soit le résultat final de ces élections, je suis prêt à travailler avec mes collègues républicains », a-t-il déclaré.

Il a cependant indiqué qu’il exercerait son veto contre tout projet de loi destiné à interdire l’avortement à l’échelle nationale, une question clé des élections de mi-mandat.

Les pouvoirs que Joe Biden pourra exercer durant les deux dernières années de son mandat dépendront en bonne partie du parti qui contrôlera le Sénat. Si les républicains deviennent majoritaires, ils seront en mesure de bloquer toutes les nominations du président à des postes de juge, d’ambassadeur ou de haut responsable au sein de son administration.

Ce blocage systématique pourrait également s’étendre à toute initiative législative que voudrait proposer le président.

Joe Biden se verrait ainsi réduit à imiter Barack Obama lorsque celui-ci s’est retrouvé face à un Congrès à majorité républicaine. Il pourrait notamment utiliser son stylo pour adopter des mesures par décrets ou pour apposer son veto aux projets de loi républicains.

Et il pourrait profiter du prestige de sa fonction pour lancer sa campagne en vue de l’élection présidentielle de 2024. En conférence de presse, il a indiqué qu’il prendrait une décision définitive à ce sujet au début de l’année prochaine.

Trump critiqué

Un de ses rivaux potentiels, Donald Trump, a fait l’objet de nombreuses critiques au lendemain d’un rendez-vous électoral où son influence a été jugée néfaste par des membres de son propre parti. Sur le point de prendre sa retraite, le sénateur républicain de Pennsylvanie Pat Toomey, dont le siège a été remporté par le démocrate John Fetterman, a déclaré que le Parti républicain devait s’éloigner de Trump après la « débâcle » électorale dans son État. Des candidats appuyés par l’ancien président, dont le DMehmet Oz et Doug Mastriano, y ont perdu des élections cruciales aux postes de sénateur et de gouverneur.

PHOTO HANNAH BEIER, REUTERS

Le DMehmet Oz, candidat défait au poste de sénateur de Pennsylvanie, lors d’un rassemblement à Philadelphie, mardi soir

Donald Trump n’a pas répondu directement à ses critiques. Il a cependant attaqué indirectement un des grands gagnants des élections de mi-mandat chez les républicains, le gouverneur de Floride Ron DeSantis, dont les ambitions présidentielles semblent l’irriter au plus haut point.

« Maintenant que l’élection en Floride est terminée, et que tout s’est bien passé, ne devrait-on pas dire qu’en 2020, j’ai obtenu 1,1 million de voix de plus en Floride que Ron D cette année, 5,7 millions contre 4,6 millions ? C’est une simple question », a-t-il écrit sur Truth Social.