Le soutien offert par l’administration américaine à l’Ukraine depuis l’éclatement de la guerre avec la Russie risque d’être compliqué par le résultat des élections de mi-mandat qui se tiendront dans quelques semaines aux États-Unis.

Certains ténors républicains s’inquiètent ouvertement de l’importance de l’aide apportée à Kyiv et laissent entendre qu’ils pourraient tenter de la limiter si le parti reprend le contrôle de la Chambre des représentants à l’issue du scrutin.

La plupart des analystes interrogés par La Presse doutent cependant que ces réserves aient à court terme des conséquences dramatiques pour le régime du président ukrainien Volodymyr Zelensky et ses troupes.

Scott Anderson, expert en gouvernance de la Brookings Institution, relève que le président démocrate Joe Biden pourrait chercher à éviter tout blocage anticipé au Congrès en faisant voter une aide additionnelle à l’Ukraine avant l’entrée en poste des nouveaux élus, début janvier.

Il apparaît par ailleurs improbable, dit-il, que les républicains tentent de bloquer carrément toute aide additionnelle à Kyiv.

Le parti demeure majoritairement acquis, selon lui, à la cause ukrainienne même si une aile « isolationniste » rattachée à l’ex-président Donald Trump se montre critique notamment de l’importance des dépenses encourues par les États-Unis.

L’élu républicain Kevin McCarthy, qui pourrait devenir le président de la Chambre des représentants en cas de victoire de son parti au scrutin de mi-mandat, a fait écho à ces préoccupations en relevant qu’aucun « chèque en blanc » ne sera accordé à l’Ukraine si un tel scénario électoral se concrétise.

PHOTO ANDREW HARNIK, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

L’élu républicain Kevin McCarthy

La population, a-t-il souligné, risque de se montrer beaucoup plus critique de l’aide américaine dans un contexte de récession alors que l’argent se fait plus rare.

M. McCarthy a aussi laissé entendre que sa formation pourrait conditionner son appui à tout nouveau plan d’aide à des actions de l’administration Biden sur des dossiers nationaux jugés prioritaires pour les républicains, comme la gestion de la frontière avec le Mexique.

Pas de place « pour les apologistes de Poutine »

Témoignant des divisions qui existent au sein du parti, l’ex-vice-président républicain Mike Pence a vertement critiqué il y a quelques jours les remises en question du soutien apporté à l’Ukraine face à la Russie et son président, Vladimir Poutine.

PHOTO JOSE LUIS MAGANA, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

L’ancien vice-président Mike Pence

« Il ne peut y avoir de place dans le mouvement conservateur pour les apologistes de Poutine […] Il n’y a de la place que pour les défenseurs de la liberté. L’apaisement n’a jamais fonctionné à travers l’histoire », a-t-il prévenu.

Son opinion est partagée par l’ancien leader républicain du Sénat Mitch McConnell, qui a montré ses couleurs publiquement en allant jusqu’à presser l’administration Biden d’intensifier son soutien à Kyiv.

Les États-Unis ont versé une aide militaire, économique et humanitaire d’une valeur de 66 milliards de dollars américains au régime ukrainien depuis l’éclatement du conflit, ce qui en fait de loin le plus important pays donateur.

Mark Cancian, spécialiste des questions militaires rattaché au Center for Strategic and International Studies (CSIS), à Washington, relève que le soutien américain est « absolument critique » pour le régime ukrainien.

Les militaires du pays ont enregistré, dit-il, des gains considérables depuis quelques mois contre les troupes russes en tirant efficacement profit de l’arsenal mis à leur disposition et misent sur la poursuite de cette aide pour poursuivre leurs avancées.

Pas avant quatre ou cinq mois

Dominique Arel, spécialiste de l’Ukraine rattaché à l’Université d’Ottawa, ne pense pas que les élections de mi-mandat menacent à court terme le soutien offert par les États-Unis, incluant dans le cas où le Parti républicain prendrait le contrôle des deux chambres du Congrès.

Même dans le pire des scénarios, dit-il, il faudrait compter au moins quatre ou cinq mois après l’entrée en poste des nouveaux élus pour que l’aide soit touchée.

« Quatre ou cinq mois dans une guerre, c’est long. Beaucoup de choses ont le temps d’arriver », note l’universitaire, qui se montre sceptique quant à la possibilité que le parti tourne carrément le dos à l’Ukraine.

Justin Massie, spécialiste des questions de défense et de sécurité rattaché à l’Université du Québec à Montréal, se dit « optimiste » sur le fait que l’appui bipartite offert à Kyiv par les États-Unis perdurera au-delà du scrutin de mi-mandat.

Les élus, note-t-il, doivent notamment considérer qu’une majorité d’Américains continuent de soutenir l’Ukraine et se disent prêts à soutenir certains sacrifices sur le plan économique pour que le pays puisse ultimement avoir gain de cause face à Moscou.