Le président américain, Joe Biden, a annoncé mercredi un engagement collectif, incluant celui d’une centaine d’entreprises privées et d’organisations, prévoyant l’injection de 8 milliards de dollars pour mettre fin à la faim et à l’insécurité alimentaire et réduire les cas de maladies liées à la malbouffe d’ici 2030.

Or, cet engagement prend des airs de déjà vu. En décembre 1969, le président Richard Nixon pilotait une conférence sur la nourriture, la nutrition et la santé qui devait « mettre un terme à la faim en Amérique pour toujours ».

Il y avait donc encore du travail à faire ! D’autant plus qu’avec la guerre en Ukraine et l’inflation, le prix des aliments a beaucoup augmenté, notent les observateurs.

Certains aspects se sont améliorés avec le temps, a cependant relevé le président Biden. Dans ses remarques d’ouverture, il a entre autres déclaré qu’un enfant sur quatre vivait sous le seuil de la pauvreté il y a 30 ans, alors que ce taux est de 1 sur 20 aujourd’hui. Mais d’autres problèmes ont émergé, notamment une hausse du nombre de cas d’obésité chez les jeunes comme chez les adultes. Une situation qui vient avec des risques de développer des pathologies comme le diabète de type 2 ou des maladies cardiaques.

« Aujourd’hui, plus de 35 % des adultes sont obèses dans 19 États », a entre autres indiqué le président Biden.

Cela dit, le président s’est visiblement réjoui du travail fait en coulisses pour inviter des entreprises et des organismes de différents horizons afin d’aider non seulement les Américains les plus pauvres à se nourrir, mais à… bien se nourrir.

Lorsque les familles ne peuvent se permettre des options alimentaires saines, il est plus difficile pour les enfants de réussir à l’école. Cela peut entraîner des problèmes de santé mentale et physique au sein de toute la famille.

Joe Biden, président des États-Unis

Parmi les engagements annoncés, on note plus de 4 milliards en initiatives philanthropiques pour améliorer l’accès à des aliments nutritifs, faire la promotion de choix sains et augmenter l’activité physique.

L’Association de l’industrie alimentaire (FMI) a ainsi promis d’inciter ses membres à donner 2 milliards de repas aux banques alimentaires et autres organisations de lutte contre la faim en 2023.

Des engagements non financiers ont aussi été annoncés. Par exemple, le géant Danone s’est engagé à réduire la teneur en sucre des produits pour enfants.

Possible, mais…

Ambitieux, le plan de l’administration Biden est-il réalisable ?

Marion Nestle, professeure émérite de nutrition, études alimentaires et santé publique à l’Université de New York (NYU), y croit. Selon elle, l’argent mais aussi l’engagement gouvernemental constituent le nerf de la guerre.

« Nous aurons des problèmes avec la faim jusqu’au moment où les politiciens auront décidé de faire les gestes nécessaires pour s’assurer que les gens pauvres ont assez d’argent et de ressources pour combler leurs besoins, dit la nutritionniste, jointe à la conférence. Le gouvernement l’a fait durant la pandémie alors que les programmes alimentaires ont été élargis. Et, surprise ! Les gens achetaient de la nourriture. »

Au moment de nous parler, Mme Nestle se montrait satisfaite des propositions entendues.

Je suis très impressionnée de voir que cette conférence se concentre sur des principes d’accès à suffisamment de nourriture et à de la nourriture saine pour tous.

Marion Nestle, professeure émérite de nutrition, études alimentaires et santé publique à l’Université de New York

Sylvain Charlebois, professeur titulaire à la faculté de management et d’agriculture de l’Université Dalhousie, en Nouvelle-Écosse, remarque que « le projet est intéressant », mais que les acteurs doivent maintenant passer aux actes.

« Les entreprises s’engagent à faire une panoplie de choses, mais est-ce qu’elles livreront la marchandise ? Et quels sont les objectifs visés exactement ? Pour l’instant, c’est un buffet d’idées qui tente de régler l’ensemble des problèmes en un seul coup. Ce genre d’approche fonctionne rarement. »

« Avec la globalisation et la mondialisation, nous en sommes arrivés à un système alimentaire très interconnecté. Mais ce système montre peu de résilience face aux menaces, climatiques ou d’un autre ordre, indique de son côté Malek Batal, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les inégalités en nutrition et en santé (Université de Montréal). Il semble que les Américains ont eu une prise de conscience à ce niveau et qu’ils ont compris. En gros, le plan annoncé mercredi est une bonne chose. »

Une récente étude du département américain de l’Agriculture indique qu’en 2021, 10 % des maisonnées (soit autour de 13,5 millions de personnes) ont fait face à de l’insécurité alimentaire.

Avec l’Agence France-Presse et le New York Times

En savoir plus
  • 15,9 %
    Dans les 12 mois ayant précédé l’automne 2021, 15,9 % des ménages canadiens ont vécu, à divers degrés, des situations d’insécurité alimentaire. À 13,1 %, le Québec est la province où ce taux a été le moins élevé.
    SOURCEs : FOOD INSECURITY POLICY RESEARCH/UNIVERSITÉ DE TORONTO