(New York) Tandis que la Californie brûlait et suffoquait, les partisans de l’immobilisme en matière de lutte contre le réchauffement climatique ont cru bon de se moquer des dirigeants de cet État, la semaine dernière.

Le 31 août, ces dirigeants ont demandé aux Californiens de ne pas charger leurs voitures électriques entre 16 h et 21 h, histoire de ne pas taxer davantage un réseau d’électricité vieillissant qui peine à fournir à la demande durant une redoutable vague de chaleur.

Une semaine plus tôt, ils avaient annoncé leur intention d’interdire la vente de nouveaux véhicules à essence ou à diesel à compter de 2035 dans le Golden State, dont le poids économique équivaut à celui de la cinquième économie mondiale. 

« Quelle blague ! », s’est exclamé Steve Scalise, numéro deux du groupe républicain à la Chambre des représentants. « C’est à ça que ressemble le contrôle des démocrates, et ils le veulent dans tout le pays. »

C’est surtout à ça que ressemblent les effets du réchauffement climatique en Californie, État ravagé par des méga-incendies de forêt, accablé par des méga-canicules et menacé par des méga-inondations.

Effets qui ont poussé les démocrates de Californie à adopter, la semaine dernière, les mesures les plus ambitieuses de l’histoire de leur État afin de s’attaquer aux sources de cette crise climatique, sans précédent aux États-Unis.

Plusieurs des projets de loi adoptés dans les toutes dernières minutes de la session du Parlement de Californie avaient échoué dans le passé. Mais un lobbying intensif du gouverneur de Californie, Gavin Newsom, a convaincu les majorités démocrates des deux chambres de les approuver.

PHOTO RICH PEDRONCELLI, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Gavin Newsom, gouverneur démocrate de Californie

« L’avancée que nous réalisons cette année sur le climat se fera sentir sur plusieurs générations et bien au-delà de nos frontières », a commenté le gouverneur démocrate, qui se pose ainsi en leader de la lutte contre le réchauffement climatique au moment où il s’emploie à rehausser son profil sur la scène nationale.

Plusieurs angles d’attaque

L’un des projets de loi prévoit des dépenses de 54 milliards de dollars sur 5 ans pour des programmes de lutte contre le réchauffement climatique — une somme record pour un État —, dont 6 milliards de dollars pour encourager l’achat de véhicules électriques et 8 milliards de dollars pour décarboner le réseau électrique de l’État, qui est encore fortement dépendant du gaz naturel.

Une enveloppe de 15 milliards de dollars est également destinée à l’amélioration des transports en commun. Et plus de 5 milliards de dollars seront consacrés à des programmes de résilience aux changements climatiques et à la sécheresse.

Les parlementaires californiens ont également adopté un texte fixant de nouvelles cibles intermédiaires en matière de production d’électricité. Ils exigent désormais que 90 % de l’électricité de leur État provienne de sources « propres » d’ici 2035, et 95 % d’ici 2040, afin d’atteindre l’objectif de 100 % d’ici 2045.

Ils ont aussi donné le feu vert à une mesure inédite aux États-Unis : la Californie offrira 1000 $ aux individus gagnant moins de 40 000 $ par année ou aux couples gagnant moins de 60 000 $ qui vivent ou choisissent de vivre sans voiture.

Ils ont par ailleurs approuvé un projet de loi visant à favoriser et à encadrer le captage, le stockage et l’utilisation du carbone. Cette mesure n’a pas fait l’unanimité chez les environnementalistes, pas plus qu’une autre destinée à prolonger de cinq années la vie de la dernière centrale nucléaire de Californie, Diablo Canyon, qui produit 9 % de l’électricité de l’État et qui devait mettre fin à ses activités en 2025.

« Année décisive »

Mais, dans l’ensemble, les environnementalistes ont applaudi les mesures approuvées par le Parlement de Californie, qui s’ajoutent aux 370 milliards de dollars alloués à la lutte contre le réchauffement climatique dans le cadre d’une loi promulguée récemment par Joe Biden. 

« C’est une année décisive pour l’action climatique », a déclaré Mary Creasman, directrice de l’organisation EnviroVoters.

La Californie a prouvé qu’il est encore possible d’opérer de grands changements en matière de climat et de vaincre le pouvoir des entreprises polluantes.

Mary Creasman, directrice de l’organisation EnviroVoters

Les républicains de Californie, eux, ont conspué les mesures adoptées par les alliés parlementaires de Gavin Newsom, qui sollicite un deuxième mandat en novembre.

Le sénateur d’État républicain Brian Dahle, qui tente de déloger le gouverneur démocrate, a déploré le manque de détails sur la façon dont les objectifs allaient être réalisés. Selon lui, l’adoption des projets de loi équivaut à « fixer un objectif, faire un tour de la victoire, agiter sa baguette magique et saupoudrer de la poussière de lutin ».

Un porte-parole de l’industrie des énergies fossiles a dénoncé de son côté des objectifs « extraordinairement agressifs » qui « toucheront le plus durement ceux qui sont au bas de l’échelle des revenus ».

Il y aura évidemment un coût aux projets de loi que doit signer dans les prochains jours le gouverneur de Californie. Mais le coût de l’inaction ou de demi-mesures pourrait être encore plus élevé pour cet État qui suffoque, brûle et se désertifie sous nos yeux.