Cent trois documents classés « confidentiel », « secret » ou « top secret » ont été saisis parmi les 33 boîtes et conteneurs que le FBI a récupérés à Mar-a-Lago, la résidence floridienne de Donald Trump, au cours de la perquisition réalisée le 8 août dernier.

C’est ce que révèle l’inventaire complet (8 pages) rendu public vendredi matin par la Cour fédérale du district sud de la Floride. L’inventaire, qui comprenait aussi 11 000 documents non classifiés, a permis de constater l’ampleur du désordre dans ces boîtes où des documents confidentiels voisinaient des articles de journaux et d’autres objets sans grand intérêt.

C’est le cas par exemple de la boîte numéro 2, qui contenait 99 articles de journaux et magazines publiés entre janvier 2017 et octobre 2018 ainsi que 2 documents confidentiels, 15 documents secrets, 7 documents ultra-secrets, 69 documents et photos non classifiés, 43 chemises vides portant la mention « classifié » (personne ne sait où sont ces documents !) et 28 chemises vides portant la mention « à retourner au secrétaire du personnel ou à un assistant militaire ».

À remarquer qu’aucun détail précis n’a été dévoilé sur le contenu des documents dits « classifiés ». On ne sait pas sur quoi ils portent.

Selon l’inventaire, 7 des 33 boîtes et conteneurs ont été récupérés dans le bureau de l’ancien président des États-Unis. Le reste se trouvait dans un entrepôt de Mar-a-Lago.

La publication de cet inventaire fait suite à une demande des avocats de M. Trump qui réclament l’intervention d’un tiers indépendant pour en faire un examen plus minutieux et déterminer si certains d’entre eux peuvent demeurer confidentiels.

PHOTO JON ELSWICK, ASSOCIATED PRESS

Aperçu des pages de l’inventaire rendu public vendredi matin concernant les boîtes saisies à Mar-a-Lago le 8 août 2022

Plus tôt cette semaine, un des avocats de M. Trump a comparé toute cette saga à une bisbille autour de livres remis en retard à la bibliothèque.

Rappelons par ailleurs que les avocats de Donald Trump avaient signé une lettre affirmant que tous les documents avaient été rendus avant la perquisition du 8 août. Selon Pierre Martin, professeur titulaire au département de science politique de l’Université de Montréal, cela pourrait fortement nuire à ce dernier. « On a menti aux autorités de la justice en écrivant cette lettre. C’est indéfendable », dit-il.

Vendredi matin, la juge Aileen Cannon a ordonné la levée de l’interdiction de publier l’inventaire du contenu des boîtes, mais n’a pas rendu de décision sur l’intervention d’un tel tiers réclamée par le clan Trump. C’est dire que cette saga judiciaire est loin d’être terminée.

Très compromettant

Selon Pierre Martin, cette affaire de documents sensibles entre les mains de l’ex-président pourrait être très compromettante pour ce dernier.

« Il y a plusieurs autres cas en suspens pour lesquels beaucoup d’observateurs pensent que le président Trump devrait être mis en accusation, observe-t-il. Mais celui des documents saisis à Mar-a-Lago est celui qui à mon sens a le plus de chances de mener, à court ou moyen terme, à une mise en accusation formelle. »

Selon M. Martin, l’ancien président a enfreint la loi selon laquelle personne ne peut emporter avec lui des documents appartenant aux États-Unis d’Amérique.

Et non seulement la loi est « très claire » à ce sujet, dit le spécialiste, mais M. Trump lui a donné plus de mordant en faisant passer certaines des infractions qui y sont prévues de délit (misdemeanor) à crime (felony) au cours de son mandat. « C’est Donald Trump qui l’a signée », dit-il.

Sans se prononcer sur l’aspect juridique de ce nouveau développement, Rafael Jacob, chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand, estime de son côté que plus l’histoire se prolonge, plus elle profite au Parti démocrate.

« Politiquement, [la décision de vendredi matin] garde l’histoire vivante, dit-il. Mais elle le serait restée, peu importe ce que la juge décide par rapport à cette question spécifique. Et c’est très nettement à l’avantage des démocrates. Chaque fois qu’il est question de comportements inappropriés, potentiellement illégaux, de Donald Trump, ça repousse les électeurs indépendants par rapport au Parti républicain. Chaque jour où l’on parle de Donald Trump, on ne parle pas de Joe Biden. Chaque jour où l’on parle de Mar-a-Lago, on ne parle pas d’autres problèmes, telle l’inflation, qui font mal à l’administration américaine. »

Par ailleurs, M. Jacob indique que même si les républicains reprennent le contrôle de la Chambre des représentants à la suite des élections de mi-mandat, le mardi 8 novembre, le travail du département de la Justice dans ce dossier se poursuivra.

« Les républicains peuvent mettre de la pression publique et politique sur le département de la Justice. Comment ? En émettant par exemple des subpoenas sur des ordres de comparution ou des ordres à l’effet de fournir des documents au Congrès. Mais le département de la Justice relève de la branche exécutive, donc de la présidence. »

En savoir plus
  • 18
    Sur les 103 documents sensibles inventoriés, 18 étaient classés « top secret », 54 « secret » et 31 « confidentiel ».
    Source : Cour fédérale du district sud de la Floride