L’Oklahoma, qui avait interrompu l’application de la peine capitale pendant plusieurs années après avoir connu des ratés aux conséquences dramatiques, vient d’établir un calendrier prévoyant l’exécution de 25 détenus en deux ans.

L’initiative, approuvée par un tribunal de l’État il y a quelques jours, fait craindre de nouvelles dérives, incluant l’exécution potentielle en septembre d’un ex-gérant d’hôtel considéré innocent par un groupe bipartisan d’élus.

Robert Dunham, qui chapeaute le Death Penalty Information Center (DPIC), un centre de recherche sur la peine de mort, estime que la décision de procéder à des exécutions « à la chaîne » garantit pratiquement que des erreurs seront commises et que des détenus seront privés de leur droit à une défense pleine et entière.

Il semble malheureusement que l’Oklahoma est plus préoccupé par sa volonté de mener des exécutions à terme que de garantir le caractère équitable des procédures et de répondre aux questions soulevées par les méthodes utilisées.

Robert Dunham, du Death Penalty Information Center

En annonçant le calendrier il y a quelques jours, le procureur général de l’État, John O’Connor, a fait valoir dans un communiqué que les familles de certaines des victimes des détenus condamnés à mort attendaient depuis des décennies que « justice soit faite ».

« Mon bureau entend se tenir à leur côté alors qu’elles franchissent une autre étape dans l’épreuve que leur ont imposée les meurtriers », a-t-il précisé.

M. O’Connor a souligné par ailleurs que la population de l’Oklahoma s’était montrée largement favorable en 2016 lors d’une consultation publique au maintien de la peine de mort pour les meurtres les plus « crapuleux ».

Cocktail litigieux

Le procureur général a attendu pour aller de l’avant qu’un juge fédéral valide le cocktail médicamenteux utilisé par les services carcéraux de l’État pour tuer par injection les détenus condamnés à mort.

Les avocats d’une trentaine de détenus avaient lancé une poursuite en 2014 à ce sujet en alléguant que la combinaison de produits retenue était susceptible d’induire des douleurs violant les dispositions de la Constitution interdisant les peines « cruelles et inhabituelles ».

Les plaignants s’inquiétaient particulièrement de l’utilisation comme sédatif du midazolam, alléguant qu’il exerce un effet insuffisant pour empêcher les personnes exécutées de souffrir lorsque les deux autres produits utilisés pour paralyser le corps et arrêter le cœur sont administrés.

Le juge au dossier, Stephen Friot, a souligné dans une décision rendue début juin que le midazolam était approprié pour « rendre le détenu insensible à la douleur pendant les quelques minutes requises pour compléter l’exécution », même s’il ne s’agit pas « du meilleur produit pour le faire ».

Il a estimé que les avocats de la défense n’avaient pas réussi à démontrer que la méthode d’exécution retenue par l’Oklahoma induisait une « douleur inutile » et pouvait être considérée comme « anticonstitutionnelle ».

Selon M. Dunham, il existe des preuves scientifiques « importantes » suggérant que les personnes exécutées par injection risquent de développer un œdème pulmonaire pendant la procédure et que le midazolam n’a pas un effet anesthésiant suffisant pour les empêcher de ressentir la douleur résultante.

Un des médecins experts a indiqué qu’elles devaient ressentir un sentiment de « panique, de noyade et d’asphyxie ».

Plusieurs États américains ont été forcés d’expérimenter des cocktails médicamenteux inusités après que des sociétés pharmaceutiques ont interdit que leurs produits soient utilisés pour exécuter des détenus.

L’Oklahoma avait décidé de suspendre l’application de la peine capitale en 2015 après deux exécutions bâclées, incluant une durant laquelle le prisonnier, Charles Warner, avait crié que son « corps était en feu ».

PHOTO FOURNIE PAR LE DÉPARTEMENT CORRECTIONNEL DE L’OKLAHOMA

Charles Warner a été exécuté en janvier 2015.

Un autre détenu, Clayton Lockett, est mort à la même époque d’un arrêt cardiaque 43 minutes après le début de la procédure.

Les exécutions ont repris tranquillement en 2021, même si les autorités avaient assuré vouloir attendre qu’un jugement soit rendu relativement à la poursuite lancée en 2014.

« Problèmes systémiques »

Bien qu’elle soit importante, la polémique sur la méthode d’exécution utilisée « paraît presque mineure » en comparaison des « problèmes systémiques » rencontrés par l’Oklahoma dans l’application de la peine de mort sur le plan judiciaire, relève M. Dunham.

Parmi les 25 détenus dont la date d’exécution vient d’être fixée figurent notamment, dit-il, plusieurs personnes souffrant de graves problèmes de santé mentale ou de dommages cérébraux qui auraient dû leur permettre d’éviter une telle peine.

La culpabilité de plusieurs détenus condamnés est par ailleurs sérieusement mise en doute, souligne le dirigeant du DPIC, qui s’alarme notamment de l’exécution prévue en septembre de Richard Glossip.

PHOTO ASSOCIATED PRESS, FOURNIE PAR LE DÉPARTEMENT CORRECTIONNEL DE L’OKLAHOMA

Richard Glossip

Cet ex-gérant d’hôtel a été condamné à mort pour avoir présumément commandité l’assassinat en 1997 du propriétaire de l’établissement, mais une enquête menée par une firme d’avocats à la demande d’un groupe d’élus a conclu récemment qu’il était innocent.

PHOTO SUE OGROCKI, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Kevin McDugle

L’un des élus responsables de l’initiative, le républicain Kevin McDugle, a prévenu à la mi-juin qu’il ferait campagne pour faire abolir la peine capitale dans l’État si M. Glossip était effectivement exécuté.

« Je crois à la peine capitale, je pense qu’elle doit exister, mais la procédure menant à une condamnation à mort se doit d’être absolument irréprochable », a-t-il souligné.