L’annulation du jugement Roe contre Wade, garantissant le droit à l’avortement, pourrait-elle créer un précédent ? D’autres droits risquent-ils maintenant de disparaître ? Aperçu de la situation en quatre questions.

L’accès à la contraception, les relations homosexuelles et le mariage entre personnes du même sexe pourraient-ils être les prochaines cibles de la Cour suprême ?

C’est du moins ce qu’a laissé entendre le juge conservateur de la Cour suprême Clarence Thomas. Dans un argumentaire personnel qui accompagne l’arrêt, il a appelé à « reconsidérer » les décisions qui justifient ces droits. « Dans de futurs dossiers » concernant, eux aussi, le respect de la vie privée, « nous devrions revoir toutes les jurisprudences », a-t-il déclaré.

Pourquoi ces autres droits sont-ils concernés ?

Afin d’annuler le jugement Roe contre Wade, la Cour suprême a estimé que le droit à l’avortement n’était pas une forme de liberté protégée par le 14amendement de la Constitution des États-Unis. Cet amendement stipule qu’« aucun État […] ne privera une personne de sa vie, de sa liberté ou de ses biens sans procédure légale régulière ».

Or, plusieurs autres arrêts reposent sur ce même amendement, notamment Griswold contre le Connecticut (1965), qui autorise le droit à la contraception pour les couples mariés, Lawrence contre le Texas (2003), qui autorise les relations sexuelles entre personnes de même sexe, et Obergefell contre Hodges (2015), qui permet le mariage entre personnes de même sexe.

« Si on croyait que le droit à l’avortement était inclus par le passé dans la Constitution, pourquoi ces autres lois seraient-elles valides ? », soulève Valérie Beaudoin, chercheuse associée à la Chaire Raoul-Dandurand.

Est-ce probable que cela arrive ?

L’annulation du jugement Roe contre Wade était déjà exceptionnelle. « En règle générale, on ajoute des droits. On n’en retranche pas », indique Louis-Philippe Lampron, professeur à la faculté de droit de l’Université Laval. Mais il n’est pas impossible que la Cour suprême revienne sur des décisions concernant la contraception ou le mariage homosexuel, comme elle vient de le faire avec l’avortement.

Pour que cela se produise, il faudrait qu’un État adopte une loi limitant l’accès à la contraception, par exemple, loi qui serait alors contestée et amenée devant la Cour suprême. « On espère […] qu’ils ne vont pas aller de l’avant avec d’autres arrêts dans les prochaines années », dit le juriste.

Le peuple américain dispose-t-il d’une manière de contester l’annulation de Roe contre Wade ?

Réponse courte : non. L’interprétation des textes sur les droits fondamentaux, dans la plupart des pays, est de l’ordre du judiciaire, explique Louis-Philippe Lampron. Même le président des États-Unis, Joe Biden, qui a qualifié le renversement historique d’« erreur tragique » et de résultat d’une « idéologie extrémiste », ne peut changer une décision de la Cour suprême.

Toutefois, comme l’arrêt n’interdit pas l’avortement (elle autorise les États à le restreindre ou à le rendre illégal), le peuple américain peut le contester dans l’arène politique. « C’est l’action la plus probable », affirme M. Lampron. C’est-à-dire qu’il reviendrait aux citoyens « de faire pression sur leur gouvernement pour qu’il protège le droit à l’avortement ». Ce n’est pas gagné d’avance : au total, 26 États prévoient déjà d’interdire la pratique, selon un décompte du Guttmacher Institute.

Avec l’Agence France-Presse