(New York) Donald Trump n’aurait pas pu souhaiter une meilleure entrée en matière.

« Je vais être très clair ce soir : l’élection de 2020 a été truquée et volée », a déclaré David Perdue, le 25 avril dernier, au tout début du premier débat de la primaire républicaine pour le poste de gouverneur de la Géorgie en vue des élections de mi-mandat.

Fort de l’appui du 45e président des États-Unis, l’ancien sénateur de Géorgie croyait pouvoir détrôner le gouverneur sortant, Brian Kemp, en reprenant à son compte le « grand mensonge » de son plus important soutien.

Donald Trump, lui, misait sur David Perdue pour assouvir une soif de vengeance inextinguible. Dix-huit mois après l’élection présidentielle de 2020, il cherchait encore à punir le gouverneur Kemp pour son refus de l’aider à changer les résultats du scrutin en Géorgie, où Joe Biden l’avait battu par 11 779 voix.

PHOTO JOHN BAZEMORE, ASSOCIATED PRESS

Le gouverneur républicain de la Géorgie, Brian Kemp

Pour arriver à ses fins, il a même participé à un rassemblement aux côtés de David Perdue et transféré 2,64 millions de dollars de sa caisse électorale à celle de l’ex-sénateur.

Hélas pour lui, les électeurs républicains de Géorgie ont envoyé paître son candidat mardi. Brian Kemp a remporté la primaire républicaine pour le poste de gouverneur de son État avec une majorité écrasante de 73,7 % des suffrages, contre 21,8 % pour David Perdue. Il affrontera la démocrate Stacey Abrams en novembre.

L’humiliation de Donald Trump ne s’est pas arrêtée là. L’ancien président a également vu une autre de ses bêtes noires en Géorgie, Brad Raffensperger, vaincre son candidat favori, Jody Hice, dans la primaire républicaine pour le poste de secrétaire d’État du Peach State.

Raffensperger, actuel titulaire de ce poste, est celui qui a refusé la demande de Donald Trump de lui « trouver » 11 780 voix lors d’un appel téléphonique le 2 janvier 2021. Hice, lui, est un autre adepte du « grand mensonge ».

« Une réprimande assez cinglante »

Comment doit-on interpréter ces résultats ?

« C’est une réprimande assez cinglante à l’encontre de Donald Trump », répond Alan Abramowitz, politologue à l’Université Emory, à Atlanta. « La plupart des candidats qu’il a soutenus ont perdu, y compris David Perdue dans la primaire pour le poste de gouverneur, qui était la course la plus médiatisée [mardi] soir. Mais tout aussi significatif est le fait que Brad Raffensperger, qui a été directement visé par Trump après l’élection et depuis, a non seulement survécu, mais a gagné au premier tour. C’est le résultat le plus surprenant. »

Cela dit, Donald Trump n’a pas fait chou blanc mardi soir en Géorgie. Comme prévu, Herschel Walker, son candidat préféré dans la primaire républicaine pour l’élection sénatoriale de Géorgie, a triomphé facilement. L’ancienne vedette de l’équipe de football de l’Université de Géorgie affrontera le sénateur démocrate Raphael Warnock. Sa candidature demeure cependant un énorme point d’interrogation, compte tenu de son inexpérience politique et des nombreuses casseroles qu’il traîne, y compris des allégations de violence conjugale et des problèmes de santé mentale.

Mais les résultats des primaires républicaines de Géorgie illustrent les limites de l’influence de Donald Trump auprès des électeurs républicains. Au cours des dernières semaines, les candidats que ce dernier a appuyés sont aussi nombreux à avoir subi la défaite qu’à avoir remporté la victoire.

« Pour la plupart, les candidats qui gagnent sont très conservateurs, dit le professeur Abramowitz. Beaucoup d’entre eux ont adopté certaines des politiques de Trump et même dans certains cas son style de gouvernance, très combatif, très agressif, très partisan. »

Cependant, plusieurs des vainqueurs ont pris soin de se distancier de Donald Trump en refusant de revenir sur le « mensonge de l’élection volée », selon le politologue.

« Ce n’est pas comme si les électeurs républicains considéraient [Joe] Biden comme un président légitime, dit-il. Je pense que c’est qu’ils veulent que le parti regarde vers l’avant. »

Une menace pour 2024

Pour autant, il ne faut pas croire que le « grand mensonge » de Donald Trump soit mort et qu’il ne représente plus une menace.

Le week-end dernier, le New York Times a publié une enquête révélant que 357 parlementaires républicains en exercice dans 9 États clés ont utilisé le pouvoir de leur fonction pour discréditer ou tenter de renverser les résultats de l’élection présidentielle de 2020.

À ce nombre, il faut ajouter les candidats à des postes clés de gouverneur, de secrétaire d’État ou de procureur général qui ont réussi à remporter des primaires républicaines ou qui tentent de le faire en s’associant de près ou de loin au mensonge de l’élection volée en 2020. Le cas le plus frappant est celui de Doug Mastriano. Le 6 janvier 2021, ce sénateur d’État de Pennsylvanie a franchi les barrières policières devant le Capitole des États-Unis. Le 17 mai dernier, il a remporté la primaire républicaine pour le poste de gouverneur de cet État. S’il est élu en novembre prochain, les républicains contrôleront tous les leviers du pouvoir à Harrisburg, capitale de la Pennsylvanie. Et rien ne dit qu’ils ne voudront pas en profiter en 2024 de la façon dont certains d’entre eux ont tenté de le faire en 2020.

« Il y a de très bonnes raisons de s’inquiéter de ce qui pourrait se passer en 2024 si les résultats des élections étaient contestés de la sorte, dit Alan Abramowitz. Je suis plus préoccupé par cela que par les efforts de suppression des votes. »

Jusqu’à un certain point, les démocrates peuvent au moins se réjouir du fait que ce scénario soit moins probable en Géorgie à la suite des défaites subies par deux des poulains de Donald Trump.