Le tireur qui a fait huit morts mardi dans des salons de massage asiatiques d’Atlanta soutient que ses attaques n’étaient pas « racistes ». Mais l’affaire soulève des craintes importantes dans la communauté américaine d’origine asiatique.

« Avec la pandémie, il y a cette opportunité de rendre visibles des choses qui étaient invisibles. Et la violence envers les Asiatiques en est une. En disant que c’est inadmissible, que c’est antiaméricain, Joe Biden rend visible le phénomène. Et il reconnaît que cette violence a été renforcée par la rhétorique de Donald Trump contre la Chine et le coronavirus », explique Godefroy Desrosiers-Lauzon, professeur associé au département d’histoire de l’UQAM.

Spécialiste de l’histoire des États-Unis, M. Desrosiers-Lauzon rappelle que la vie et le statut des femmes asiatiques, en particulier les Chinoises, sont « précaires » et « contraints » depuis des décennies aux États-Unis.

La violence à laquelle certains Asiatiques sont soumis, surtout des femmes, on s’en préoccupe assez peu. Ultimement, le pouvoir n’est pas exercé en leur nom, et personne ne parle pour elles.

Godefroy Desrosiers-Lauzon, professeur associé au département d’histoire de l’UQAM

L’oppression et la violence envers les femmes asiatiques « ouvrent la porte à tout le débat du racisme antiasiatique » aux États-Unis, ajoute le spécialiste, pour qui les attaques d’Atlanta pourraient contribuer à cristalliser la mobilisation pour les droits des Asiatiques. « S’il y avait un mouvement Asian Lives Matter, par exemple, je pense qu’aucun parti, pas même les républicains, ne pourrait s’y attaquer mur à mur », dit le professeur, en soulignant que le changement est souvent une question de pouvoir politique.

Vives tensions

Robert Aaron Long, 21 ans, a affirmé mercredi « avoir agi sans mobile raciste », selon un responsable de la police locale, qui a précisé que le jeune homme avait « reconnu sa responsabilité ». D’après les autorités, le tireur pourrait souffrir d’une « dépendance sexuelle ». Il aurait insinué « qu’il avait des problèmes de dépendance sexuelle potentielle, et pourrait avoir fréquenté plusieurs de ces lieux dans le passé ».

Mais la triple attaque, dans laquelle ont péri six femmes d’origine asiatique, dont quatre d’origine sud-coréenne, survient dans un contexte d’inquiétudes croissantes au sein de la population américaine d’origine asiatique, qui dénonce une hausse des agressions racistes.

PHOTO CHRISTOPHER ALUKA BERRY, REUTERS

L’Aromatherapy Spa fait partie des établissements visés par le tireur qui a fait huit morts mardi dans des salons de massage asiatiques d’Atlanta.

« Je sais que les Américains d’origine asiatique sont très inquiets », a réagi mercredi le président Joe Biden. « Je pense que c’est très, très préoccupant », a-t-il ajouté.

Le suspect avait été appréhendé mardi soir à l’issue d’une course poursuite, à plus de 240 km au sud d’Atlanta, capitale de l’État de Géorgie. Il devrait être inculpé de meurtres, selon les autorités locales. Il est suspecté d’avoir d’abord pris pour cible un salon de massage asiatique à environ 50 km d’Atlanta, où les secours ont compté quatre morts et deux blessés.

En visite en Corée du Sud, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, s’est dit « atterré par cette violence qui n’a pas sa place en Amérique ou ailleurs ». L’ancien président Barack Obama a lui aussi réagi. « L’identité des victimes illustre une hausse inquiétante de la violence contre les Asiatiques qui doit cesser », a tweeté le démocrate, ajoutant que les États-Unis ont « continué à négliger l’épidémie de violences par armes à feu qui dure depuis très longtemps en Amérique ».

« Les tueries [de mardi] nous rappellent encore une fois de façon tragique que nous avons encore beaucoup de travail à faire pour mettre en œuvre des lois encadrant les armes à feu et pour éradiquer la haine et la violence », a poursuivi M. Obama.

Boucs émissaires

Deux bouquets de fleurs ont été déposés mercredi devant la porte du salon de massage Aromatherapy Spa, l’un des établissements visés. « Au cours de l’année dernière, nous avons constaté du racisme, des discriminations et une résurgence des violences contre les Américains d’origine asiatique, désignés comme boucs émissaires de la pandémie », a déploré Sam Park, représentant local de la communauté.

« Maintenant, j’ai un peu peur », a déclaré Alice Hung, étudiante californienne de 22 ans originaire de Taiwan, et venue à Atlanta pour les vacances. « Encore une fois, nous voyons que la haine est meurtrière », a aussi lancé mardi soir le sénateur démocrate de Géorgie Raphael Warnock.

Ces attaques surviennent après la parution d’un rapport de l’organisme Stop AAPI Hate selon lequel près de 70 % des personnes d’origine asiatique sondées ont été victimes de harcèlement verbal et un peu plus d’une sur dix a été agressée physiquement, de mars 2020 à février 2021. Mardi, la police de New York a annoncé l’envoi de patrouilles en renfort dans les zones à forte concentration d’habitants d’origine asiatique.

Avec l’Agence France-Presse